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Notre marrakech 45-70
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31 décembre 2012

Il est grand temps....

Voila, une année se termine. Elle a apporté son lot de bohneur et de malheur. Nous avons eu des naissances, des mariages, des voyages et aussi des décès, des maladies, des accidents.

Une nouvelle année commencera dans quelques heures. Apportera t elle un véritable changement? Je n'en suis pas sûr, si ce n'est que plusieurs tarifs, en France comme en Allemagne vont augmenter, que certaines retraites vont peut être diminuer (Surtout en France).

Dire que les guerres devraient s'arrêter, que nous devrions éradiquer la faim dans le monde, que les méchants pollueurs "verdissent un peu" est un souhait que nous pourrions formuler. Mais comme je n'en ai pas le pouvoir, il ne me restera qu'une chose que je pourrais vous souhaiter. C'est une bonne année 2013. Une bonne année au niveau de nos vies personnelles, de la santé des nôtres, du paiement de nos retraites ainsi que des salaires de nos amis "Actifs". Nous devrions aussi souhaiter pouvoir serrer encore nos amis dans nos bras, embrasser nos enfants et petits enfants, partager les émotions de ceux quon aime.

Je prends ici une bonne résolution.... C'EST CE QUE JE VOUS SOUHAITE pour 2013.

NOUVAN2013FR

A tous les MARRAKCH'AMIS je souhaite un bon réveillon, pas trop d'excès et de la prudence sur les routes....

et pour finir je vais me permettre de vous donner une bonne combine pour rentrer à la maison après Le réveillon !!!!!!!!!

 Chers Amis,
 
Je voudrais partager avec vous une expérience personnelle sur le sujet «Boire et/ou Conduire ».
 
Sans doute avez-vous connu ces charmants contacts avec la police sur le chemin du retour à la maison après l'une ou l'autre soirée.
Il y a une quinzaine de jours, j'étais sorti avec des amis et ai bu quelques verres de ce bon jus de raisin fermenté. Sachant pertinemment que j'étais légèrement au dessus de la limite, j'ai fait quelque chose que je n'avais jamais fait auparavant. J'ai pris un taxi  pour rentrer chez moi.

Et bien évidemment, jai croisé un barrage de police sur ma route, mais  puisque j'étais dans un taxi, ils m'ont salué et m'ont laissé passer. Je suis arrivé chez moi sans problème et sans accident, ce qui a été une surprise réelle puisque je n'ai jamais conduit un taxi auparavant et que je  ne sais même pas où je l'ai trouvé, ni quoi en faire maintenant que ce taxi est dans mon garage.

Votre toujours MICHEL

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16 décembre 2012

Noël approche et MAN ANA 2

Bonjour à tous, nous sommes vraiment en décembre. La neige qui nous a rendu visite pendant deux jours a cédé la place à une pluie ininterrompu. Le ciel est gris humide, le sol est spongieux, le moral ne remonte qu'un peu lorsqu'en fin d' après midi on allume la cheminée devant laquelle se couche le chien et regarde "sa télé".

Comme nos enfants sont maintenant adultes depuis longtemps, que ma petite fille vit assez loin de nous et malgré les décorations lumineuses de la maison, l'ambiance n'est pas vraiment à Noël.

Devrais je revenir sur les Noëls de Marrakech? Nous en avons si souvent parlé. Combien de fois avons nous raconté les sapins décorés de flocons de neige en coton, les messes de minuit dans les différentes religions, les repas de fêtes et l'attente interminable le matin du 25, que les parents viennent nous chercher pour voir ce qui se trouvait sous le sapin....

Devrais je revenir sur les cadeaux d'alors? Les mécanos qui m'ont permis de construire des grues, des voitures ou un très beau moulin dont les pâles tournaient grâce à une ficelle enroulée à deux poulies et entrainées par une manivelle à main. Mon premier rasoir électrique. Un disque des "Chausettes Noires"... et encore et encore. Aujourd'hui, les cadeaux aux enfants, même jeunes" sont plutôt électroniques, informatiques, enfin en "IQUE". Heureusement, mon épouse et moi même sommes restés très "Bouquins" en papier, refusant encore les tablettes de lecture.

Avant de passer la main à Jacques, je voudrais encore vous parler d'une chose. Notre Chat... Minou.

 

 

 

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Je suis toujours étonné, mais ravi, de voir cette boule de poils occuper tant de place dans notre vie. l ne me quitte que pour aller faire de courtes excursions dans notre jardin ou dans celui des voisins et revenir bien vite se mettre au chaud sur mes genoux ou dans la caisse du chien.

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Paula en a pris son parti et squatte le fauteuil devant la fénêtre. Celui qui lui permet de voir les oiseaux manger les dernières pommes et les écureuils faire la sarabande dans les pommiers du voisin.

Ce chat ne me quitte pas. Il me suit dans les différentes pièces, vient se frotter à mes jambes à chaque fois qu'il en a l'occasion, se couche sur le coté en me présentant son ventre avec la ferme intention de se faire caresser. Comme il n'a pas le droit de monter sur le plan de travail de la cuisine (Il a pris quelques jets d'eau les premiers jours) il vient se mettre entre mes pieds et s'allonge pour essayer de voir ce qui s'y passe. Lorsque l'un de nous rentre à la maison, il arrive, la queue dressée (Christian STP....il est castré) pour se signaler et vient demander un "grat grat" derrière la tête.

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Les jeux avec Paula sont aussi des grands moments. Comme un jeune enfant, il a besoin de jouer. Alors il va chercher le chien. Paula le regarde tranquillement. Il arrive et d'un coup de patte -sans griffe- il lui attrape la truffe ou une oreille. Après il va se cacher sous le sofa, laissant dépasser un patte pour lui signaler sa présence. Et le jeu commence. Il traverse le salon en passant par dessus les dossiers, Paula devant faire le tour des fauteuils. Il se cache de nouveau sous des coussins et attend qu'elle le trouve pour repartir de plus belle. Puis lorsqu'elle le bloque dans un coin, il se dresse sur ses pattes arrières les mets autour de sou cou et vient lui mordiller l'oreille. Je dis mordiller car Paula n'a jamais semblé avoir mal. Puis il lui lèche rapidement la truffe et va se coucher où elle n'a pas accès, lui montrant ainsi qu'il en ai fini de jouer et qu'il est temps de dormir.

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Vous aller vous demander pourquoi je vous raconte tout ça. Simplement parce que nous sommes heureux que ce petit animal ait pris tant de place dans notre maison et dans nos coeurs.

Aujourd'hui, Jacques nous conduit vers "L'Alliance française" et le "Photo caméra Club"? mais avant il me faut vous raconter une petite anecdote qui est arrivée à mon père et à Mr Davizé (Il travaillait au Consulat et c'était un des très bons amis de la famille.

Une photo retrouvée d'une soirée chez Roger Davizé. Mon père et lui étaient déguisés et dans le fond on voit ma maman folle de joie qui rit.

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Il y avait une tradition à MARRAKECH, (Jacques en parle dans son chapitre sur la photo, mais je vous laisse le plaisir d'en lire la chute) d'organiser un Rallye Photo. Je ne me souviens pas aussi bien que Jacques des conditions de participation, mais je me rappelle, car mon père nous l'a souvent raconté, qu'ils avaient fait les photos demandées, répondus aux diverses questions mais qu'au moment de remettre les photos développées, ils avaient eu la mauvaise surprise, en allant les chercher (Certainement chez Bertrand, un autre ami de mon père) d'apprendre que le film était vierge de toute photo. Le film avait du se casser à l'accrochage et les appareils de l'époque ne permettaient pas toujours de savoir si le film avançait bien. Il est certain qu'aujourd'hui, avec les appareils numérique, on a la possibilité de vérifier la qualité de chaque photo et de la refaire si besoin est...Autres temps... Autres photos.

Mais ils avaient tout de même eu un prix de consolation qui récompensait leur malchance...

Voila, maintenant je vous quitte et cède la place à Jacques et à son MAN ANA

L'Alliance Française,

 C'est Avenue Mohammed V, dans l'immeuble où habitèrent un temps nos amis Podevin, se situait le centre culturel de l'Alliance Française.

 Ce coin de l'avenue comprenait les Magasins Réunis, Radio Atlas Service où notre ami Albert Gozlan officiait, une banque qui devint un bureau de la Royal Air Maroc où je retrouvai plus tard derrière le comptoir mon copain de classe Mohammed Bamrani, et en face une librairie tenue par Madame Beraud.

Le centre culturel traversait le pâté de maison et ouvrait sur la rue parallèle à Mohammed V une bibliothèque « jeunes », tenue un temps par M. CAREL.

 Ce fut ma première bibliothèque. 

Ces équipements étaient rares en France d'après-guerre, et l'accès à cette richesse de lecture, moi qui adorais cela, de surcroît dans un lieu somme toute très lumineux, fut une véritable bénédiction. 

La sévérité qui régnait à l'intérieur avait toutefois pour résultat de réfréner quelque peu l'ardeur des lecteurs, mais je passai outre plus d'une fois et devins un ardent emprunteur des collections « Rouge et Or Souveraine » et de la Bibliothèque verte. 

Mes premières années marrakchies furent particulièrement riches en ce qui concerne les ouvrages empruntés. 

Plus tard, la bibliothèque pour enfant finit par fermer, mais je ne sais plus si ce fut avant ou après que l'exigence des études scolaires ne m'en ait progressivement éloigné.

 Entre cette bibliothèque et la bibliothèque adultes, où les parents empruntaient régulièrement des ouvrages reliés, dont le contenu était jugé inapproprié aux enfants, se trouvait une salle de cinéma et de conférences où se tenaient régulièrement des réunions, sur tous types de sujets. 

C'est ainsi que j'assistai à des conférences sur de l'archéologie islamique historique, sur la bombe atomique ou sur les gisements de pétrole. Enseignement scientifique, plutôt, car c'étaient quand même mes sujets de prédilection que ceux-là.

 Il y eut aussi des conférences illustrées par des films, dont un film de propagande américain sur le premier vol dans l'espace de John Glenn, et obligeamment sonorisé par ceux-ci en arabe classique. Souvent, autour de ces conférences, c'étaient nos professeurs qui intervenaient pour répondre aux questions que la salle voulait bien poser. 

Il y avait aussi les mercredis après-midi des films plus particulièrement destinés à le jeunesse. Ces projections du mercredi étaient gratuites, et attiraient beaucoup d'enfants de tous les quartiers de Marrakech, cette séance étant nettement moins chère que celle du cinéma Lux voisin, le moins cher de la ville européenne, mais où les places coûtaient pas loin de 0,75 DH au tout début de notre séjour. 

Il s'en est suivi parfois une joyeuse pagaille, et il me revient que la projection du film « la bataille du rail » comportait une scène particulièrement angoissante de l'attaque du train blindé par des résistants faiblement armés. La salle fit très rapidement le lien avec les scènes habituelles des westerns à la mode à l'époque, où il fallait « descendre » la maximum d'indiens pour être le héros, et la partie la plus tendue de cette scène déchaina un tel élan de commentaires de d'applaudissements que la projection en fut interrompue afin de ramener la calme. 

Il y avait aussi des projections le soir, dont un cycle « western » organisé par l'amicale laïque que je suivis en entier et où je découvris ce qu'était le « ciné club ». 

Progressivement, je grandissais aussi.

Le photo caméra club. 

Papa était un passionné de photographie, je l'ai déjà évoqué. 

Très intéressé par la vie associative, c'est tout naturellement qu'il prenait des responsabilités dans les associations auxquelles il appartenait. 

Pendant plusieurs années, il milita avec Maman (et nous par voie de conséquence) dans le tourisme social en France. Il s'agissait de créer des colonies de vacances permettant aux petits citadins de découvrir la montagne dans de bonnes conditions. Depuis, le Club Méditerranée et autres « Pierre et Vacances » sont passés par là, mais c'était un beau projet dans l'immédiat après-guerre, et l'association qu'ils ont fondée continue d'exister dans les Pyrénées. 

Rapidement, il fut élu à la présidence du Photo Caméra Club de Marrakech. 

Ce club se réunissait dans la salle du catéchisme attenante à l'église des Saints Martyrs. On poussait un peu les cartes Vidal-Lablache de Judée, et on pouvait projeter des photographies. On y retrouvait Stéphane Magnard, Marie-Claire Sitz, d'autres professeurs aussi et des amateurs de photographie ou de films qui projetaient leurs diapos montrant des voyages originaux, des macro photographies d'insectes, les essais d'un téléobjectif autour de la Koutoubia, les photos du festival de folklore de Marrakech. Marie-Jeanne Revel, qui avait une carte de presse, nous montra des photos de personnalités, dont celle d'Aristote Onassis, très difficile à photographier paraît-il. 

Ces soirées du mardi rythmaient une vie bien remplie. 

Une année faste, il fut décider d'organiser un rallye-photo, épreuve comportant des questions techniques pointues (convertir des ASA en DIN par exemple, ou calculer combien f8 au 125ème de seconde faisait au trentième de seconde). S'y rajouta ensuite une série de 15 photographies à réaliser sur un seul rouleau de 20 pauses (on arrivait en tirant un peu sur la corde à obtenir 22 photos d'un rouleau de 20, à condition de charger l'appareil dans un lieu obscur). Il y avait 5 photos libres, 5 photos imposées (au photographe de choisir l'angle le plus approprié et la composition la plus originale sur le thème de « la banane, la bouteille et elle » et autres sujets bizarres. Une matinée de franche rigolade à courir dans Marrakech, après que quelques fâcheux outrés par l'idée qu'ils dussent fournir une photo humoristique d'eux-mêmes se soient retirés. A midi, au local du Club, les rouleaux furent remis aux organisateurs qui se chargèrent de l'envoi des enveloppes jaunes à « KODAK – 93 SEVRAN » et les résultats seraient projetés et donnés lors de la réunion suivante à la salle paroissiale. 

Armé de mon « Instamatic » qui avait remplacé un 24x36 japonais qui avait eu une durée de vie fort courte, j'avais participé, et je remportai un prix : celui de la malchance, mes photos n'ayant pas été reçues pour la réunion du mardi, mais le jeudi. C'était l'époque où il fallait quinze jours pour voir les photos que l'on avait réalisé, ce qui semble inconcevable à l'heure du numérique d'aujourd'hui. 

Cela eut une conséquence inattendue : plusieurs copains voyant les résultats dans « Le petit Marocain », quotidien du matin de l'époque, vinrent me taper dans le dos et me féliciter après avoir vérifié que c'était bien moi le plus « schkoumounard ». Une chose est sûre : ce n'était pas au favoritisme que je devais mon classement. Je me faisais même souvent engueuler pour avoir fait des photos qui ne « donnaient » rien, donc pour avoir gâché de la pellicule.

 

Je ne vous souhaite pas encore un Joyeux Noel, car j'ai bien l'intention d'écrire un nouvel article avant les fêtes. Par contre c'est une bonne semaine que je vous souhaite en vous disant à Bientôt... Votre toujours MICHEL

9 décembre 2012

Les lumières de Noël et MAN ANA

Bonjour chers amies et amis, lectrices et lecteurs.

Une agréable période commence. Celle de l'Avent. Et même si je ne suis pas en tous point d'accord avec les religions, je me réjouis de ces quelques jours, pendant lesquels  les enfants, grands ou petits, commencent à penser à Noël et son cortège de bons moments...Vous souvenez vous de nos Noëls marrakchis? Certainement, ce sont des moments que l'on n'oublie pas. Mais nous en avons déjà parlé l'année dernière et celles d'avant aussi. C'est donc aux nouveaux lecteurs, à ceux qui ne nous ont pas encore raconté leurs Noël, à ceux aussi qui ne nous ont pas encore tout dit que je m'adresse. N' hésitez pas à m'envoyer vos récits par courriel, je les publierais la semaine prochaine.

Aujourd'hui, samedi, le temps est magnifique. La neige tombée hier matin, tient sur l'herbe des prés, les rues et routes sont dégagées, les enfants cherchent les champs en pente pour faire des glissades et tout cela sous un magnifique ciel bleu, sans nuage. La température est très supportable. Devant les maisons, dès la nuit tombée -et en ce moment elle arrive vite- les illuminations mettent de la couleur et de la chaleur dans la rue.

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Dans tous les villages s'organisent des "Petits Marchés de Noël" qui l'espace d'une semaine voire des fois d'une fin de semaine. Marchés de Noël qui sentent bons le vin chaud, la canelle et le pain d'épice. Bien sur ce n'est pas Strasbourg, mais une bonne occasion de réunir les voisins autour de maisonnettes de bois pour partager un bon moment de convivialité.

Voici quelques photos de Saarburg prisent ce soir au coeur du marché de Noël...

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Pensez à cliquer sur les photos pour les agrandir.

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Je vais clore maintenant le chapitre de noël pour laisser la place à Jacques. Jacques qui pour éviter de copier le Général de Gaulle ne veut pas intituler son récit "Mes Mémoires" me fait parvenir ce petit courriel:

j’ai décidé d’intituler dorénavant mes mémoires “Man ana”, ce qui est grammaticalement correct en arabe et veut dire, comme chacun le sait, “Qui suis-je”.  Pour ceux qui ne le savent pas, cela s’écrit comme suit:   مان ان ؟ 

Et c'est pourquoi à partir d'aujourd'hui le titre sera MAN ANA. Merci JACQUES d'avoir trouvé ce nouveau titre, cela devrait mettre fin à l' épisode malheureux de la "Guéguerre des titres"

   

Marrakech

J'avais écrit tout cela, et puis je me suis rendu compte que je n'avais pas parlé de Marrakech. 

J'ai parlé de l'extraordinaire, je n'ai pas parlé de l'ordinaire qui est déjà l'extraordinaire pour beaucoup de monde. A savoir la ville de Marrakech. Mais il est difficile de disjoindre la ville de la vie, surtout quand celle-ci fut aussi intense que celle que j'y ai connue : découverte d'un pays étranger, du Maghreb, de l'Islam, du Maroc, mes années Lycée, l'adolescence, mes premières amours, mes amours durables... Que de choses mêlées !

 Marrakech, c'était cette arrivée par la route de Casablanca, après avoir traversé le Tensift sur cet immense pont blanc qui me rappelait un pont médiéval.

 Après, la palmeraie s'annonçait sur la gauche par une petite route qui permettait d'emprunter le circuit éponyme.

 Quelques kilomètres de plus, et nous voyions le panneau en béton annonçant MARRAKECH et rappelant la limitation de vitesse à 40 km/h.

 Le temps de contourner le Guéliz, nous arrivions au « rond-point du consulat », qui pour nous portait ce nom là car le consulat de France, noyé sous les bougainvillées, débouchait sur ce rond-point.

 Sur la gauche, l'avenue Mohammed V, avec son stationnement central, conduisait vers la Médina au-delà de la poste, vers les remparts.

 Je l'ai souvent parcourue, cette avenue, pour aller chez les Podevin, qui habitaient vers l'Alliance Française, pour aller chez Martin, la librairie abondamment fournie la plus proche de notre domicile, surtout que Cotte quitta Marrakech un bel été sans y revenir, laissant des vieux marrakchis désemparés car privés de librairie.  

Je me rappelle de M. et Mme MARTIN, elle toujours souriante, lui beaucoup plus sérieux avec une moustache qui le rendait encore plus sévère. C'était l'époque où les jeunes, dépourvus de pouvoir d'achats, étaient reçus dans certains magasins comme des trublions. Et encore, le terme « reçu » était très fort. 

Cette librairie fut ensuite rachetée par Chatr, et elle fait encore autorité sur la place de Marrakech. 

A côté, un coiffeur sévissait. J'emploie le terme « sévissait » à dessein, car pour nous, enfants, la contestation commençait avec la coupe de cheveux. « Bien dégagé » pour les parents (il fallait faire « propre » au moment où Mai 1968 et la mode Hippie pointaient le bout du nez) et « rafraîchi » pour nous, afin de garder figure humaine vis à vis des copains et des copines. Pour moi, le passage chez le coiffeur, c'était une torture. Le point culminant fut atteint « chez Henry's - parfumeur » où les parents avaient pris rendez-vous pour moi et où je restai pas loin de deux heures et demie sur le fauteuil, avec trois garçons qui se relayaient pour me tondre, me retondre et encore un peu plus surtondre les les cheveux. A tel point que j'ai fini par craquer au dixième passage de la tondeuse associée au peigne, et que j'ai éclaté en sanglots tant je me sentais tondu comme un bagnard.

 Je suis rentré en pleurs à la maison et les parents admirent que le temps du « bien dégagé sur les côtés » était révolu. 

L'avenue (on disait l'Avenue pour parler de l'avenue Mohammed V) comportait au début des années 60 tout un tas de commerces qui peu à peu laissèrent la place à des agences de voyage, des banques et des magasins de souvenirs.

 On y trouvait pêle-mêle le Comptoir métallurgique, qui vendait des outils amis je n'ai jamais pu savoir lesquels, l'Imprimerie-papeterie Fortin Moullot, ça c'était du côté du cinéma « Le Régent ».

 Plus loin, les « Magasins réunis », les chaussures « Bata », la quincaillerie de Mallet, où l'on trouvait à peu près de tout, mais à des tarifs défiant l'imagination. Comme beaucoup de choses à Marrakech, ce qui était importé était très cher comparé à ce qui était fabriqué sur place. Mais la qualité n'avait pas grand chose à voir non plus. Les productions locales étaient souvent calamiteuses : piles qui se déchargeaient en un heure, antimoustiques qui faisait rigoler les intéressés... Quels trésors d'imagination devions nous déployer pour les actes les plus simples ! 

Plus loin, le magasin de jouets des Caillens, à côté de l'optique Thélot. 

Nous n'étions pas trop « restau », mais le « Tout va bien » était le centre nerveux de Marrakech, sur la place de l'horloge, en face de la « Brasserie des négociants ».  

Les « Négociants », je n'ai pas trop fréquenté. J'ai rapidement traversé une période « Renaissance », le concurrent d'en face, mais qui n'avait pas de flippers. Mais c'était avant de partir étudier en France, ce fut donc bref. Mes talents de prédateur de coeurs dans ces endroits stratégiques se sont donc peu exercés au Maroc.

 Et puis, entre copains et sans copines, en sortant du Lycée, nous préférions les petites épiciers qui avaient tous un Judor ou un Coca au frais dans leur frigo qui produisait parfois un peu de fraîcheur, et c'était une solution très économique pour se désaltérer et rigoler.  

L'avenue, c'étaient aussi les bouquinistes en plein air, remarquablement achalandés toutefois.  

Je me rappelle en particulier l'un d'entre eux, vers le marché, en coin de rue et non loin de chez Thélot, dont l'étal était impressionnant. « Le Petit Marocain » (qui deviendra « Le Matin » puis « Le Matin du Sahara » avant de redevenir « Le Matin »), et « La Vigie », l'hebdo du soir, parfois plus engagé que son concurrent du matin. On y retrouvait « Le Monde » et « Le Canard Enchaîné » les bons jours, ceux où la censure royale, féroce, considérait qu'il n'y avait rien de polémique sur le pays. Les autres jours, « il n'est pas arrivé » était la phrase type qui nous informait que nous serions privés de certaines nouvelles. Restait France Inter grandes ondes, qui relayait un discours trop formaté politiquement pour se faire une vraie idée de ce qui se passait en France. Mais la société de l'époque était ainsi : une radio nationale, porte-parole du gouvernement, « suffisait » à « informer » les Français. Ceux d'outre-Mer étaient encore plus mal informés; du fait du temps, de l'espace et du contenu des dépêches d'agences officielles.

J'y achetai quelques exemplaires de « Life » ou « Newsweek » afin de parfaire mon anglais, et d'obtenir une information plus large que celle véhiculée par le « Paris Match » officiel de la maison. Mais l'antiaméricanisme profond paternel limita quelque peu ces velléités d'accession à une information pluraliste. 

L'épanouissement social n'était pas évident. Les parents privilégiaient le culturel, et considéraient le moderne comme suspect. L'arrivée d'un journal hautement subversif, je veux parler de « Salut les copains » (les anciens savent ce dont il est question) fut à ce titre assez symptomatique.

Nous aspirions à partager les mêmes choses que nos camarades, et la musique « YéYé », de surcroît souvent américaine traduite en français par « Les chaussettes noires » et autres groupes avait une odeur de soufre à la maison. Il fallut que mon frère invite des copains à son anniversaire (le mien tombait en plein pendant les vacances, quand nous étions en France), pour qu'il se voie offrir un « bon pour un disque » au Foyer Moderne ou au Tétracorde. Il s'agissait bien entendu d'un 45 tours, et les premiers investissements furent « Ma première Surprise-Partie » de Sheila et « Le pénitencier » de Johnny Hallyday ». Mais c'était un peu court, à une époque où explosait la vente de 45 tours en France, soutenue par cette machine infernale qu'était le « Teppaz », électrophone portable qui permettait de faire sa musique à peu près partout du moments que l'on disposait d'une prise de courant. Les possesseurs actuels d'Iphone 4 doivent se demander que quelle ère géologique il est question ! 

Alors, m'enhardissant, un jour, je m'aventurai chez Martin (le libraire) et posai la question incongrue : « Est-ce que vous avez « Salut les Copains » ici ? ». Monsieur Martin, de derrière sa moustache et avec toute la réprobation qu'il pouvait manifester contre cette déshérence culturelle, me répondit « Oui, on a « Salut les Copains » ici ! ». J'acquis donc le précieux papier glacé relié par deux agrafes, présentant en pages centrales les « 7 fois Johnny », les 7 photos que le magazine mettait en vedette chaque mois. Il y eut un numéro deux, mais pas de numéro trois. Mon frère, avec sa malignité coutumière, se débrouilla pour cafter aux parents qui interceptèrent l'objet du délit. Je revois encore mon père le feuilleter avec répugnance, accoudé au pouf vert qui trônait dans le salon, sur le coin sud-ouest du tapis Marmouchat, en murmurant « Qu'est-ce que c'est que cette revue ? ». Jusqu'au moment ou le verdict tomba : « Je n'en veux plus ici ! ». nous fûmes donc contraints de le lire... chez les copains.

 Progressivement, les anniversaires évoluèrent, avec la présence de quelques filles, des conduites de plus en plus transgressives. Les premières cigarettes, certes. Pas ou peu d'alcool. De plus en plus de musique « mode », pas encore de pas de danse. Nous étions très sages, surveillés comme le lait sur le feu par des parents qui « pensaient à notre avenir » et qui voulaient à toute force nous éviter de nous retrouver en situation de chargé(e)s de famille de façon précoce. Cela arrivait à quelques copains et copines écervelés, qui disparaissaient de notre environnement. Mais c'étaient des « grands »... 

Quoiqu'il en soit, la frivolité sociale ne caractérisait pas la famille Beyris. 

Nous avons eu, comme tous les enfants, des jeux... d'enfants. Pour nous, l'espace extraordinaire dont nous disposions au Maroc tranchait sur ce que nous avions connu en France. D'abord, parce que nous avons habité en immeuble, et qu'en immeuble, il y avait tout un tas d'enfants (et de parents), certains sympathiques et d'autres franchement infréquentables.

 Dans la partie des infréquentables, les voisins du rez-de-chaussée, extrêmement rigides dans l'éducation de leur fille unique. Ils nous intimaient l'ordre de jouer avec leur fille, mais celle-ci ne faisait rien dans le jeux sans l'accord de ses parents qui regardaient par le balcon de plain-pied avec le jardin. Dès que cela devenait « marrant », le veto familial traversait la cour et la pauvre fille traversait celle-ci en sens inverse pour rentrer à la maison et quitter l'influence néfaste de ces garnements que nous étions. En majorité fils de professeurs dans le public, ce qui était quand même éloigné de la tendance confessionnelle de la famille en question.

A ce comportement rigide en ce qui concernait les jeux de fifille, s'ajoutait le même comportement à l'encontre de ce que les enfants des autres étaient supposés faire. Nous n'avions pas le droit de courir, de crier, bref de vivre dans la cour de l'immeuble. Bien vite, il y eut une délimitation tracée dans cette cour, une partie étant réservée aux « garnements » et une autre partie recevant plantations de liane de Floride que les occupants se refilaient de balcon en balcon, de bougainvillées et de gazon « kikuyu », ce gazon courant à Marrakech qui permet de rendre aisément vertes les aires arides des jardins.

Bref, une ambiance sympathique, où tout ce que nous faisions était identifié comme tentative de nuire. Avec les voisins d'à côté, nous mîmes au point un système de téléphérique constitué d'une ficelle de chanvre quadruplée, qui avait la résistance suffisante pour nous aider à escalader des murs (parois abruptes infranchissables) et qui permettait de faire passer un panier contenant un livre ou quelque menu objet... Lors d'une manipulation, un éclat de béton du balcon chut malencontreusement du troisième juste à-côté du voisin pas sympa, qui s'exclama et leva la tête, observant le reste de la ficelle en train de remonter dans la pénombre du soir tombant. Illico, il vint sonner au troisième étage, et expliqua aux parents dubitatifs qu'il venait d'être victime d'un attentat, car on lui avait jeté une pierre, et qu'il avait repéré une corde terminée par un bâton qui remontait précipitamment. Notre ficelle étant dépourvue de bâton, il dut bien convenir de son erreur et nous déplorâmes la chute du bout de béton, mais nous ne l'avions pas lancé...

 Les relations se gâtèrent définitivement quand la maman nous ordonna de jouer avec sa fille et de lui laisser le rôle de la vedette dans je ne sais quel scénario enfantin, et où je lui répondis assez vivement que nous ne l'excluions pas, mais qu'elle prendrait la place que nous lui laisserions et non celle qu'exigeait la mère. Deux jours plus tard, papa entra dans l'appartement comme un fou, en hurlant quelque chose comme « putains de gosses », expression appartenant à son vocabulaire courant, et cherchant celui qui avait insulté Madame D. Un peu interloqués, avec mon frère, nous passâmes en revue les dernières bêtises faites, et finîmes par conclure que c'était cette « réponse à un adulte » qui provoquait ce chambardement. Il me demanda alors de le suivre illico pour présenter des excuses à la dame en question, ce que je refusai catégoriquement, estimant en l'espèce n'avoir pas été « de la dernière des grossièretés ». Ma détermination l'impressionna, car il finit par convenir qu'ils étaient un peu casse-pieds, pour parler gentiment. 

En ce qui concerne les copains fréquentables et que nous fréquentâmes effectivement, il y avait quelques copains privilégiés, et quelques copains atypiques que nous gardions à distance. Les privilégies, c'était avec eux que nous faisions toutes les bêtises ; construction de cabanes, par exemple, mais à Marrakech il n'y avait pas ou peu de bois. Les cabanes furent donc réalisées avec des briques de terre que nous récupérions dans les quelques villas militaires transformées en champs de ruines des environs (et dieu sait si le système de récupération était perfectionné au Maroc) , transportés sur le porte-bagages du vélo. Nos jeux étant trop bruyants, bien vite, l'espace que nous avions occupé fut annexé comme jardin par un riverain, et nous fûmes expropriés. Fin de la période « bâtisseur de l'empire ». 

Nous faisions énormément les zouaves sur nos vélos. Passée la nécessité de disposer d'un moyen de transport pour aller au lycée, les vélos devinrent vite un loisir onéreux. Nous leur faisions passer toutes sortes d'obstacles possibles, en essayant toutefois de préserver la mécanique. Nous usâmes une quantité invraisemblable de chambres à air, rustinées de tous côtés tant les épineux étaient nombreux. Outre le classique jujubier, qui peuplait allègrement le terrain vague, le palmier et la raquette de figuier de barbarie figuraient en bonne place du palmarès des causes de crevaisons. Plus rarement, le clou de fer à cheval. C'était à chaque fois un aller en poussant le vélo à la main vers le « cycliste », le réparateur du coin, à peu près en face du consulat. Quand il nous voyait arriver, il préparait déjà les démonte pneus, les rustines et la dissolution. Nous avons largement contribué à sa prospérité.

 Le record pour un après-midi fut de dix sept crevaisons. Et sept voyages chez « bouzbouz » comme nous l'appelions.

 La conduite en tout-terrains sollicitait aussi énormément la fourche du vélo, et j'en cassai deux.

La première, ce fut devant la maison. Sur un coup de frein avant prononcé, le vélo s'affaissa. Je ramassai prestement les deux morceaux, les remis dans le local à vélos et pris mon cartable sous le bras pour aller au Lycée, sous l'oeil médusé des copines.

La seconde, non loin de la maison, fut beaucoup plus facétieuse. Alors que j'étais « en danseuse » en train de passer une seguia, j'eus la surprise de voir la roue avant partir devant le vélo. L'instant d'après, la bouche pleine de terre, le vélo sur les épaules et les lunettes deux mètres plus loin, je compris que la fourche avait cédé. Je rentrai donc à la maison écorché et poussiéreux, sous les exclamations pleines de pitié des copines qui m'avaient cependant vu faire un sacré vol. Pour les copains, je ne tenais pas debout...

 Nos loisirs cyclistes avaient beaucoup d'importance, mais paradoxalement nous ne fîmes pas de grandes balades sur route. Hormis le tour de la palmeraie une fois avec des copains alors que j'étais en sixième. C'était au mois de mai et je me rappelle être rentré complètement assoiffé, car partir sans un bidon d'eau était extrêmement imprudent. Mais l'hydratation du sportif en plein effort était encore très mal perçue (rappelez-vous, Du Guesclin)... 

Une autre fois, le même tour de la palmeraie fait avec deux copines se termina par la crevaison d'un pneu à mi-parcours, et malgré une manipulation frénétique de pompe tous les deux cents mètres, nous fûmes obligés d'aller toquer à la porte d'une des rares villas qui existaient encore sur le circuit, afin de demander de l'aide. Actuellement, on pourrait parler de rares palmiers, mais bon... 

Nous fûmes accueillis par un charmant hôte dont l'affabilité, surtout à mon égard, nous surprit. En voyant arriver le jardinier marocain vêtu d'un short (je n'ai vu cela qu'une fois au Maroc) nous comprîmes que nous avions affaire à un sympathique homosexuel qui nous proposa d'utiliser sa piscine, mais il ne pouvait pas nous prêter de maillots, et imprévoyants de nature, nous ne les avions pas faits suivre avec nous sur le vélo.  

Néanmoins, le vélo réparé, nous terminâmes le tour en revenant côté Médina avec les copines qui serraient un peu les fesses, environnées d'un trafic cycliste imposant et intéressé par le spectacle de leurs anatomies. On ne réédita pas ce genre d'exploit. 

Parmi les grosses bêtises d'enfants, il en est une qui nous coûta particulièrement. Un samedi après-midi, les parents décidèrent de rendre visite aux Podevin qui habitaient encore Villa Majorelle. Le prétexte était la restitution de livres qu'ils avaient emprunté. Munis des livres, nous voici donc partis vers les jardins quand les parents décident de s'arrêter pour faire une petite course rapide dans une boutique, et se garent juste derrière une ID bleue dont l'immatriculation finissait par HY 14 (Calvados), ce qui correspondait en toute logique à la voiture des Podevin. Mais comme nous n'étions pas absolument sûrs, les parents allèrent faire leur course en nous disant que si nous voyons les Podevin, nous pouvions leur dire que nous allions chez eux leur rendre des livres. Quoique s'ils avaient été ici, l'échange aurait pu se faire directement.

Cette éventualité nous terrifia : nous adorions jouer avec Dominique, Sylvie et Franck (et le chien Zeus) dans le jardin le soir, dégagé de sa clientèle touristique de la journée. Dans le soir tombant, nous avions pour nous toutes les pièces d'eau, tous les carrés de gazon et tous les petits chemins entre les cactus pour courir, nous cacher, nous inventer des histoires invraisemblables...

Dans cet état de panique, les Podevin apparurent et, nous voyant, vinrent nous saluer. Très heureux, nous fûmes avec Michel mon frère extrêmement embarrassés, et nous leurs dîmes que nous nous rendions chez eux, sans toutefois leur restituer les livres prétextes. Ils confirmèrent qu'iles seraient chez eux dans quelques minutes après avoir fait une course ou deux.

Taraudés par le doute (avions bien agi en ne rendant pas les livres ?) nous résolûmes de ne pas en parler aux parents, sans toutefois arrêter de stratégie fine.

A leur retour, les parents constatèrent le départ de la voiture (supposée) des Podevin, mais mon frère, perfectionniste dans l'art du mensonge, annonça « ce n'était pas les Podevin c'était un gros porc » censé mettre un terme à la discussion. Incrédules, les parents démarrent direction le jardin Majorelle. Arrivés là, de Podevin point ! Mutisme des gamins Beyris... Demi-tour paternel et retour à la maison, où, dans l'escalier, Michel craque : « Dis Maman... en fait... euh... Les Podevin c'était eux... ». Explication orageuse, coup de tonnerre paternel ( « putain de gosses... vous nous avez menti... ») suivi de : « Bon, vous êtes punis, vous restez ici, interdiction de sortir de la maison pendant un mois, et que des bouquins de classe à lire. Et qu'on ne vous reprenne pas à mentir ». Sur ce, les parents nous plantent là et vont voir leurs amis. Ils ont tenu bon, et pendant un mois, nous sommes allés au lycée et dès le retour interdiction de ressortir. Nous lisions en cachette « Tintin » et « Spirou » que les parents continuaient de ramener de la librairie Martin et qu'ils stockaient dans leur chambre pendant qu'ils étaient aux conférences « connaissance du monde » ou au théâtre. 

L'histoire se compliqua avec une invitation de la mère de mon copain Renaud à son anniversaire. Elle eut du mal à obtenir que nous soyons libérés de prison, mais elle y réussit. Elle nous questionna pour en connaître la raison, et nous finîmes par lui dire que nous avions menti et que c'était pour cela que nous étions punis. Et nous rajoutâmes que nous avions aussi été grondés pour être, malgré l'interdiction parentale, montés dans les manèges (à la sécurité plus qu'aléatoire) quand elle nous avait emmenés à la foire du Hartsi. Elle m'appela en fin de goûter pour me remettre un mot à remettre aux parents, afin je suppose de s'excuser de nous avoir fait faire quelque chose d'interdit. La mort dans l'âme, nous reprîmes avec Michel le chemin de la maison, marchant à petits pas vers une mort certaine, car il s'agissait d'un deuxième mensonge qui déclencherait l'ire paternelle et nous renverrait aux galères, en pension ou dieu sait où...

Avec Michel, nous nous consultâmes et finîmes par faire disparaître le mot, transformé en confettis éparpillés dans le terrain vague. Nous étions morts de trouille. 

Soit l'histoire en resta là, soit la mère de Renaud, n'ayant pas de nouvelles, contacta les parents et obtint des explications mais nous échappâmes à la raclée ce coup-là. Nous avions eu très chaud, et cela fait encore partie des souvenirs cuisants de cette époque. 

Le jour de la fin de la punition, à six heures dix, les parents nous autorisèrent à sortir pour aller jouer avec les copains.

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Villa Majorelle, sur la terrasse des Podevin. De G à D : Sylvie Podevin, Jacques Beyris, Dominique Podevin, Michel Beyris, Frank Podevin.

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La ville de Marrakech : au premier plan le quartier du Guéliz, européen. Au fond, derrière ses remparts, la Médina. Cette immense avenue rectiligne est l'avenue Mohammed V.

 

 

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Depuis le grand immeuble de la Renaissance, l'Avenue Mohammed V et la Koutoubia au fond. Et l'Atlas.

 

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Marrakech : la médina, la Koutoubia en 1965. Au fond, les jardins royaux de l'Aguedal.

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L'entrée dans la Médina : les remparts, la Koutoubia (mosquée). Le Guéliz est derrière nous.

Séjour à l'Ouka

 Il y avait aussi la station de sports d'hiver de l'Oukaïmeden, en abrégé l'Ouka, à une soixantaine de kilomètres de Marrakech. 

 

Les « Bas Pyrénéens » que nous étions avaient déjà largement pratiqué le ski dans les centres de vacances où nos parents faisaient du monitorat. 

 

C'est donc tout naturellement que nous attendions avec impatience l'arrivé des premières neiges. 

 

Le temps de recevoir notre matériel de ski la première année, ce fut assez tard que nous commençâmes la saison. De la malle envoyée par bateau et éventrée sur le port de Casablanca, je ne récupérai pas l'anorak tout neuf. Par contre, les chaussures avaient suivi et nous avions dû traverser l'Espagne en septembre avec les skis sur le toit de la voiture, car je me souviens avoir retrouvé là-bas mes skis rouges que j'avais utilisé en France, et qui étaient des skis d'adulte raccourcis, dont la manoeuvrabilité n'avait rien de comparable avec celle des skis actuels, qui tournent tout seuls du fait de leur profil parabolique. 

 

Michel, mon frère, avait eu des skis suisses achetés chez Estève Sports, skis de petite taille mais qui avaient déjà à l'époque un profil un peu courbe, ce qui attirait le regard dubitatif et les commentaires désobligeants de mon père sur ces « nouveautés ». Il n'empêche que Michel maitrisa très vite ces skis, ce qui me faisait rager car il virait plus facilement que moi et glissait mieux, grâce à une espèce de vernis plastique qui ne valait pas un « bon coup de fart classique » selon mon père mais qui le transformait en fusée sur la piste.

 

A l'époque, nous avions des fixations à câbles, qu'il suffisait de dégager de leur guide sur le ski pour les transformer en skis de randonnée.

 

 La nouvelle route de l'Ouka part de la vallée de l'Ourika et monte en écharpe vers le plateau. 

 

L'ancienne route partait de la route d'Asni. On tournait à Tahanaout vers Sidi Farès, distant de 26 km, où il y avait encore une colonie de vacances pour enfants marrakchis qui fuyaient la touffeur de l'été dans la plaine du Haouz. Puis on continuait à flanc jusqu'à une espèce de verrou qui faisait basculer dans un vallon aboutissant à L'Ouka, 13 km plus loin.

 

 C'était la piste qui conférait à la montée à l'Ouka un statut d'aventure, mais les voitures de l'époque étaient dotées d'une garde au sol confortable.

 

 En France, nous avions fait du ski de nature, sur des pentes où l'on passait une partie de la journée à damer la neige, puis quelques minutes à descendre et remonter la pente, en « canard » ou en « escaliers » suivant son importance.

 

 A l'Ouka, c'était un ski « de riches » qui était pratiqué, tant le niveau de vie était différent de celui de France.

 

 Il y avait trois remonte-pentes à l'époque, le petit, le moyen et bien entendu le grand.

 

Ayant une pratique du ski somme toute limitée par le fait qu'il était indispensable de remonter à pieds après chaque descente, la libération de la corvée du remontage par la mécanique fut bien accueillie. Une fois passée l'appréhension du premier « coup de pied au cul » du tire-fesses, et malgré l'étroitesse de la bande de neige en cette fin de saison, nous pûmes glisser à loisir dans une neige donc la fonte avancée nous faisait lui donner le surnom de « soupe ».

 

 Je me rappelle des premières queues, de la carte qu'il fallait acheter à la billeterie, et du poinçon triangulaire qui servait à marquer chaque passage. Quand l'employé avait repéré que nous avions utilisé une pleine carte, il arrivait qu'il nous fasse passer « fabor », c'est à dire sans poinçonner.

 

 Avec l'âge, nous nous enhardîmes et commençâmes à fréquenter le « moyen », plus technique. Papa, bien vite, fréquenta le « grand » qui amenait en haut de l'Angour, mais comportant un système de contrepoids qui avait tendance à se décrocher et qui risquait d'occire le skieur dessous. C'est la raison qu'il nous donna pour refuser de nous y emmener. Il devait aussi certainement y avoir une descente d'une technicité avancée.

 

 Nous retrouvions à l'Ouka des amis, certains venus en voiture pour la journée, d'autres qui occupaient un chalet, une peu plus haut derrière l'auberge du coin, « Chez Juju ». C'étaient aussi des midis choucroute et autres nourritures roboratives, au soleil sur les rochers qui sortaient de la neige.

 

 Il nous est arrivé aussi des dimanches pourris, où le temps ne se levait pas malgré nos espérances, et ou nous avons pique-niqué en nous gelant dans un abri sous roche peu avant la station. Spectacle étonnant que celui de deux ou trois familles sous la neige, en train de gigoter pour se réchauffer, et qu'un skieur frustré trouva opportun de fixer sur la pellicule de sa caméra, obstruant la route et se faisant pousser pare chocs contre pare chocs par un autre plus impatient ou plus taquin...

 

 Il nous est arrivé, enfin une année, d'y passer une semaine en pension toujours « Chez Juju », où se concentraient la plupart des montagnards du coin, au départ ou au retour d'une course. Comme dans les refuges de montagne, il était possible de faire un repas pantagruélique à toute heure de la journée ou presque.

 

 Outre le remonte-pentes, activité finalement assez monotone (on descend un coup côté gauche de la piste, un coup côté droit, le coup d'après ou va au petit col près de la sortie du moyen...) la modestie du domaine skiable incita mon père à nous emmener en randonnée dans la petite vallée qui prolongeait le parking.

 

Partant à flanc depuis le sommet du moyen, en grimpant doucement, nous nous avançâmes dans la vallée jusqu'au moment où mon frère « dévissa » (faute de carres) et partit en descente sur le côté à une vitesse somme toute intéressante. L'oued dans le vallon se rapprochait à bonne vitesse et il fallut toute l'adresse de mon père pour le rattraper, et par un stem impeccable se placer en-dessous de lui pour l'arrêter. Mis à part un pull bouloché par le frottement, il s'en tirait plutôt bien.

 

Nous remontâmes de l'autre côté sur une pente bien ensoleillée avec une neige assez ramollie, et la descente avec des jambes tétanisées fut pour moi un supplice, surtout avec des skis qui refusaient obstinément de tourner.

 

Haletant et en nage, je rejoignis mon père qui avait négocié tout cela à grands coups de bâtons, dans son style inimitable, et qui me dit : « quel dommage que tu sois tombé, c'était une neige extraordinaire ».

 

 Cette année-là, la semaine de séjour se termina par une solide chute de neige qui dura une bonne journée. Ce qui devait arriver arriva, toute la station fut bloquée par la neige, plus moyen de circuler. C'était un samedi, et toute la journée du dimanche s'écoula sans que l'on vit apparaître le moindre engin de déneigement.

 

 Si nous autres, les enfants, étions ravis de cette nouvelle aventure, les adultes qui reprenaient la travail le lendemain, notamment les casablancais qui avaient une demi journée de route à faire en plus commençaient à se faire du souci. Les parents, prudents, nous interdirent de faire du ski dans une neige trop poudreuse et susceptible de voir se produire des avalanches.

 

 Finalement, c'est le lundi que le chasse-neige atteignit la station et le mardi que nous repartîmes vers la plaine en convoi. Il avait neigé fort bas, et toute la piste jusqu'au goudron était recouverte de neige. Il nous fut drôle, en bas, de voir les figuiers de barbarie recouverts de neige.

 

 Le plus ému de l'histoire fut certainement mon professeur de latin, M. FIOUX, qui s'enquit, sur le mode du reproche, de  la raison de mon absence au cours de latin du Lundi. Je lui expliqua brièvement et pas forcément dans le meilleur français qu'on « avait été bloqués à l'Ouka ».

 

 

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Randonnée dans la vallée de l'Ouka. Michel et moi photographiés par papa.

Dehors, mais ici, chez moi, en Allemagne, la neige tombe de nouveau. J'ai donc recommencé la corvée de nettoyage des trottoirs. C'est une bonne occasion de dire bonjour aux voisins qui se livrent à la même corvée que moi.

Mon épouse a passé sa matinée dans la cuisine à nous faire des petits gateaux de Noël, "Nussmakronen", "Vanille Kipferl" et un magnifique "Stollen". L'odeur se répand dans toute la maison, attirant le chien, le chat, mon fils et moi même, vers le centre de la maison....

Je vais donc vous souhaiter un bon dimanche et une bonne lecture. Je pense que comme moi, vous appréciez le style et la précision du récit de Jacques....Il nous permet de toujours passer un bon moment. Sois en remercier cher ami.....

A bientôt, votre toujours MICHEL

 

Notre marrakech 45-70
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