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Notre marrakech 45-70
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16 mars 2014

Cité FOUQUE éternelle et MAN ANA15

Ah cette Cité FOUQUE, elle revient hanter nos mémoires...L'article de Jean Yves date du 1° août 2007 et continue à générer des commentaires. J'en suis heureux et fier. Notre Blog continue à rassembler les amoureux de Marrakech en général et ceux qui ont vécu à la Cité en particulier...

Je suis Christiane PAPPAS, née à Marrakech, Guéliz à la Cité Fouque, rue des Derbkaoua à l’époque, et ensuite appelée rue Alexandre 1er, et maintenant rue de Yougoslavie.
Je suis la dernière fille de Blanche et Basile PAPPAS. Nous étions trois filles : Mireille l’aînée, Georgette la cadette, et moi.

Merci, chère Christiane de nous avoir offert ce long commentaire qui nous retrace l'historique de ce passage qui a compté pour beaucoup d'entre nous...J'y avais mes amis et mes copains d'école du Guéliz. Oui car je passais par la cité en sortant de la Rue de la Liberté, et nous allions ensemble à l'école.

Bonjour, je suis ANDREE, une des filles d'Adrienne Calvo et c'est avec une grande émotion que je lis ce texte qui me rappelle tant de souvenirs d'enfance.

Je salue également Andrée qui nous fait part de l'émotion que nous ressentons tous lorsque nous retournons promener nos mémoires dans ces ruelles qui aujourd'hui sont devenues des artères très fréquentées, des quartiers disparus ou tellement transformés que nous ne nous y retrouvons pas....

J'invite tous ceux qui ont encore des souvenirs de la cité à nous faire partager, de ne pas hésiter à me les envoyer pour que je puisse les éditer dans un prochain article ou comme Christiane à les mettre en commentaire....

Passons maintenant de la ruelle marrakchie aux grands espaces océaniques...Oualidia.

Oualidia qui compte énormément pour beaucoup d'entre nous. Michèle, qui vit encore au Maroc, pense régulièrement à nous et nous fait partager ses séjours en bord de mer par des photos

 

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et une vidéo officielle du AHOYAL CENTER OUALIDIA dont je vous donne ici le lien...

Ahoyal Center Oualidia Maroc Morocco video officielle

http://www.youtube.com/watch?v=BIDyj5qZinY

Merci à eux de nous offrir de si belles images.

Régalez vous....

Grâce à Michel de Mondenard j'ai retrouvé mon ami ALBERT, celui que nous appelions Bébert.

De son domicile lointain actuel, il pense à nous et répond à un envoi que je n'avais pas oublié de lui faire : Je lui disais au sujet de Oualidia

En fait cela a tellement changé qu'à par les grains de sable, les vaguelettes et les oiseaux *, je ne reconnais plus grand chose.... 

* Je me souviens que Bebert courait sur le banc de sable après un flamand rose qui avait une patte cassée et qu'il essayait de sauter assez haut pour le choper.

Il a été rapide à me répondre :

Terrible memoire Michel je me souviens très bien de ce moment et je croyais être le seul.....j'ai chaud au coeur.......
Amicalement...Albert

L'amitié n'est pas un vain mot entre nous...L'amour peut s'étioler  l'amitié, elle, est un sentiment qui dure.

Je crois que c'est ça qui m'a fait reprendre la rédaction du Blog car j'aurais été puni de manque d'amitié si je ne l'avais plus fait....

Mais passons à SERGE. Il y a quelques jours j'ai réçu ceci de sa part....

On fait tous un peu notre cuisine de souvenirs... Je pense beaucoup de mal de la nostalgie qui est une maladie mortelle. Mais les souvenirs peuvent parfois servir pour la cuisine, la peinture, la musique... pour inventer chaque jour une vie nouvelle.

On sent dans ce courriel, la sensibilité artistique qui habite notre ami SERGE. Surtout qu'il y avait joint quelques une de ses compositions picturales et dont il m'a donné l'autorisation de vous les faire partager.

 

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Je suis sur que, comme lui, beaucoup d'entre vous avez aussi des productions personnelles que vous n'avez jamais osé montrer. Alors, n'hésitez plus et faites moi parvenir vos tableaux, vos dessins, vos poèmes, comme Marie-France, que je puisse les éditer ici. Je remercie SERGE de l'avoir fait et le félicite pour son sens artistique....

Et voici enfin un envoi de Monique B...Elle commence ainsi :

Michel,   Surprise, j'apprécie de retrouver ton blog actif.

 et continue comme ça :

A ta demande de rechercher de la documentation, voici une photo du primaire Ecole du Guéliz, une photo que je n'ai pas encore aperçue dans les différents sites de Marrakech. Je ne confirme pas les années mais en voyant mon frère Robert (né en 1944) au 1er rang du bas le 2ème à droite, je pense aux années 50/51 et la classe  CP ou CE1, à sa gauche peut être un enfant FLORES.

Ecole du Guéliz classe CP 1950-1951

 

A Bientôt et merci pour les photos de carnaval cela met du baume au coeur dans cette période difficile et perturbée.

Sincères amitiés Monique DB

Voila mes amis, j'arrive à la fin de ce que j'avais à vous dire. Après une magnifique semaine dernière qui nous a vu reprendre possession du jardin et des après midi sur la terrasse, le soleil nous boude depuis hier. Il ne fait pas vraiment froid mais... quand même, c'était mieux avec.. Et puis je vais profiter de la situation pour effectuer la transition vers le Man Ana de Jacques et éditer le chapitre 15.

Jacques à toi:

Papa 

Il y a eu Papa aussi. Maman nous ayant quitté, il s'est retrouvé seul avec Michel à Marrakech. Leur vie a changé : ils partaient souvent voir les Landau du côté d'Agadir, la maison Lachèze devenait pour Michel une seconde maison, Michel et Jean-Pierre Lachèze, élèves dans la même classe, bossaient ensemble les maths et la guitare, avec option belote-triche. 

Papa s'est senti mal peu de temps après. Il avait un passé de gros fumeur, et il décida de s'offrir la visite de l'Amérique latine avant d'aller se faire soigner. 

L'été suivant, le diagnostic d'un cancer du cavum tomba. Il resta à Paris chez ses amis Testemale le temps d'une première opération.  

Michel était resté en pension libre à Marrakech chez les amis que nous avions, et je quittais Bordeaux, où je suivais mes études, fréquemment pour rendre visite au paternel. 

Une fois remis sur pieds, il revint à Marrakech, et continua de suivre la chimio, comme le prescrivait le protocole à l'époque. Je fus même chargé de lui rapporter ses médicaments. 

Cet été là, nous partîmes quelques jours à Puerto Cansado.  

Puerto Cansado est une sebkha entre Tan Tan et Tarfaya qui communique avec la mer. Il y a donc au fond des marais salants, une grande accumulation de sable éolien car le point bas de la côte canalise le vent dominant, et les vestiges du fortin portugais d'Akhfennir : une tour de 4 m sur 4 qui était autrefois un des comptoirs que les portugais érigèrent tout le long de la côte, au temps de la découverte de l'Afrique par ces étranges vaisseaux hauturiers que l'on appelait les caravelles. 

L'accès à cet endroit se faisait en véhicule tout-terrains, en roulant sur la plage sur cinq kilomètres environ. 

Cette côte, nous commencions à bien la connaître car c'était un lieu d'excursions fréquentes, et à Pâques précédent, nous avions prospecté la zone au nord de cette lagune.  

Nous avions constaté que la côte était extrêmement poissonneuse, que par contre la capture des poissons était malaisée car on pêchait depuis la falaise, haute d'une vingtaine de mètres, et que les énormes bars capturés avaient tout le loisir de se décrocher ou de casser le fil en se débattant alors qu'on les remontait. 

A Puerto Cansado, on était sur une plage de sable, et la pêche se faisait « au surf casting », c'est à dire au lancer depuis le bord. 

Arrivés sur place, nous rencontrâmes toute une rangée de pêcheurs marocains, occupés à tirer de l'eau tout le poisson qu'ils espéraient bien revendre pour quelques dirhams au camion qui passerait en prendre livraison. Ils avaient quand même marché plusieurs kilomètres dans le sable en portant une hotte avec tout leur matériel, plus leur canne à pêche. 

Voyant cela, Papa décida de se joindre à eux, sortit sa canne en fibre de verre, et avançant dans les rouleaux jusqu'au bassin jeta la ligne lestée de deux plombs de 40 grammes au-delà des rouleaux, ou presque. 

A sa gauche, le pêcheur du cru n'arrêtait pas d'avoir des touches et ramènait bar sur bar. Il était équipé seulement d'une canne à pêche en bambou, consolidée avec un peu de scotch « 33 » noir. 

A sa droite, un autre pêcheur, plus pauvre. Lui n'avait même pas pu s'offrir canne à pêche ou moulinet, aussi enroulait-t-il sa ligne sur un aérosol d'insecticide vide ! Et il ramenait des poissons en continu ou presque. 

Papa avait beau appâter avec de la sardine presque fraîche, lancer comme un beau diable, des touches, mais rien de ferré. Il finit par sortir de l'eau tremblant de dépit, en voulant à la terre entière et à deux doigts d'en pleurer. Nous le consolâmes comme nous pouvions et enchaînâmes par un repas et une sieste car il était quand même fatigable, et devait avoir ses injections bihebdomadaires que j'étais chargé de lui administrer, car, ainsi que je lui avais expliqué, aucune des souris que j'ai disséquées ne s'était jamais plainte. 

Nous réfléchissions longuement au soin que nous avons mis à choisir les sardines sur le port d'Agadir, à les mettre dans une caisse en zinc spécialement conçue pour cela, en les intercalant avec du sel pour leur conservation, à la délicatesse avec laquelle nous ôtions les filets pour les enfiler sur l'hameçon... Bref, cela aurait dû marcher ! 

Les jours suivants, la technique s'améliorant, nous réussîmes à manger du poisson tous les jours, mais même l'achat « par correspondance » d'une canne en bambou apportée d'Agadir par le camion ne permit pas d'ouvrir une poissonnerie. 

Malgré sa fatigue, Papa apprécia ce séjour à Puerto Cansado, et nous-mêmes en gardâmes un souvenir somme toute agréable. 

Le retour sur Tan Tan se fit dans l'angoisse, car le voyant rouge de charge de la Land-Rover restait allumé, ce qui signifiait que la batterie rechargeait peu ou pas. 

Papa m'avait chargé de faire un montage permettant de se passer du boîtier de régulation de charge, mais cela n'améliorait pas le résultat. Il fallait faire tourner le moteur assez vite pour que le voyant s'éteigne. 

A Tan Tan, papa acheta donc un boîtier neuf, que je changeai en une dizaine de minutes. Je relançai le moteur, et même motif même punition : voyant rouge de charge insuffisante allumé. En désespoir de cause, papa finit par confier la voiture à une réparateur auto dans un garage dans l'entrée de la ville, et il commença un série de tests qui firent grimper le paternel aux rideaux. « Mais qu'est-ce qu'il fait, mais qu'est-ce qu'il fait ? ».  

Diplomatiquement, nous convainquîmes papa de le laisser officier et allâmes prendre une option Tagine au caouaggi du coin. Au retour, le mécano nous tendit fièrement une paire de charbons de dynamo, la pièce défectueuse que sa méthode raisonnée de diagnostic avait permis de trouver. Scotché, le paternel ! Et nous, étonnés de la méthode et de la débrouille de ces mécaniciens qui n'ont l'air de rien et qui vous dépannent dans tous les bleds, même perdus. 

De passage à Agadir chez nos amis Landau, nous nous avachîmes dans le fauteuil et nous laissâmes aller à causer entre nous. Charlotte rentra sur ces entrefaites et objecta « Oh, cela sent drôle, ici ! ». Nous n'avions pas réalisé que dix jours en plein air à manipuler des sardines comme appât avaient dû nous parfumer délicatement au poisson, et nous nous dirigeâmes penauds vers la salle de bains pour en ressortir présentables.  

L'état de Papa continua cependant d'empirer, et il décida de revenir au Maroc pour la noël suivante. Il sentait que cela irait de pis en pis mais il voulait encore parcourir ce pays qu'il adorait. 

Il fut convenu que nous partirions au sud de Foum Zguid, vers Sbah. Plus une région qu'un village, Sbah (le lion, semblait-il) désignait des maaders, ces pâturages en plein désert du côté du Dra. 

Nous partîmes en avance avec Letan et des amis de Paris qui avaient accompagné Papa. 

Nous amis Podevin suivraient avec la R16 jusqu'à Sbah, la piste assez roulante le permettait et papa n'aurait pas supporté la journée dans la Land-Rover. 

Nous trouvâmes un endroit propice pour planter la tente, dans un lit d'oued asséché planté de trois palmiers et de quelques buissons secs. La camp dressé, vers les cinq heures, nous convînmes de prendre la Land-Rover et de remonter vers Foum Zguid pour accueillir Papa et le guider jusqu'au cap, visible depuis la route cependant. 

Nous laissâmes nos amis et les Letan et avec Michel et Laurence, médecin, nous remontâmes de quelques kilomètres. Bientôt, le nuage de poussière annonça la voiture. Petit bonjour rapide et départ, Papa étant fatigué et désirant se reposer. 

De retour vers le camp, nous vîmes tout à coup s'élever une énorme colonne de fumée noire, qui au fur et à mesure que nous approchions faiblissait sans toutefois disparaître. Une angoisse nous étreignit, ce n'était pas normal. 

En nous approchant, nous constatâmes que la colonne de fumée venait de notre campement, à trois mètres des tentes. Nous vîmes tout le monde autour, les dégâts semblaient uniquement matériels. 

Frantz, le mari de Laurence, nous raconta son histoire, toute bête mais qui aurait pu avoir des conséquences tragiques. Voyant les véhicules arriver, il décida de préparer un thé pour papa. Il mit donc la gamelle sur le camping gaz, alluma le feu, s'empara d'un jerrycan, l'ouvrit et versa dans la casserole son contenu, de l'essence ! Immédiatement, celle-ci prit feu ainsi que le jerrycan, Frantz restant paralysé devant le phénomène. C'est M. Letan qui eut la présence d'esprit d'arracher le jerrycan en plastique des mains de Frantz et de le jeter plus loin, où il finit de fondre et où l'essence s'infiltra dans le sable de l'oued où elle brûla pendant près de deux heures, sans que nous puissions l'éteindre avec l'extincteur du véhicule.

La tente avait été un peu brûlée, mais Frantz n'avait rien, ce qui tenait du miracle.  

Il fallut un bon moment avant que tout le monde ne retrouve son calme, et je pense que Frantz et Laurence dormirent très mal. 

Il fit froid cette nuit-là, et, malgré couvertures et duvets, Papa ne dormit que d'un oeil, taraudé par la douleur du mal qui le rongeait. Nous l'entendîmes se plaindre, sangloter, et nous nous ré-endormîmes en grelottant dans nos duvets, autant du fait du froid que de la tension nerveuse. 

Le réveil au matin fut morose, et nous décidâmes de profiter du soleil et d'une température clémente pour aller nous promener autour de quelques falaises impressionnantes. 

Pour oublier sa douleur, papa nous demanda de le laisser seul et il se mit à marcher dans le désert, retrouvant ce qu'il avait toujours aimé, le désert et la montagne. Il avait comme projet d'aller visiter les monts du Hoggar et du Tassili n'Ajjer, ainsi que la Norvège à la retraite. 

Finalement, la douleur le vainquit et il remonta à Marrakech en voiture, convoyé par nos amis Podevin et avec Frantz et Laurence. 

Le lendemain, avec Letan, nous fîmes une petite excursion dans le Dra, et au retour nous remontâmes un affluent jusqu'à un Foum, trouée dans les collines où passait le fleuve. J'insistai pour que Michel fasse grimper la Land-Rover sur la colline, où nous identifiâmes un gigantesque croissant de pierres, certainement proto islamique, orientant notre connaissance de l'archéologie vers d'autres types de monuments : cercles de pierres, cromlechs ou croissants de pierre. 

Nous racontâmes tout cela à Papa, qui écrivit à partir de ce que nous avions rapporté de cette région de Mrimimah, quelques pages qu'il confia à dactylographier à Madame Lacheze, et qu'il remit à Letan.

Papa décéda à Paris deux mois plus tard. 

Quarante ans après, grâce à internet, j'ai rappelé cela à Letan, qui a enfin édité le « corpus des gravures rupestres de Mrimimah » et m'en a adressé un exemplaire, où je retouvai le texte de papa, texte qui avait été dactylographié par Madame Lachèze à l'époque. Je vous le livre ci-dessous. 

« Nous connaissions déjà cette crête de Mrimimah pour l'avoir, au cours de sorties touristiques, photographiée dans les zones où elle offre des amas sablonneux pittoresques.

Ne pas la remarquer est difficile à celui qui parcoure la région car, sur cinq kilomètres, elle longe la piste qui va de Foum Zguid à Tissint à une centaine de mètres vers le Sud. Bien individualisée, quasi rectiligne, elle offre une série de soubresauts modestes, séparés par des petits « foum ».

Vers l'Est elle s'arrête brutalement, l'intrusion de « gabbros» restant sous-jacente. Vers l'Ouest elle semble disparaître après son incision par un affluent de l'Oued Zguid. En fait le village de Mrimimah le masque. Beaucoup de maisons ont pris appui sur des affleurements ;à tel point que de nombreuses gravures apparaissent sur les soubassements naturels des maisons .

Après avoir fait une réapparition incontestable à l'Ouest du village, elle plonge à nouveau durant plusieurs centaines de mètres sur un sol de cailloux pour émerger plus loin, dans la plaine.

Tout au long elle a contribué à canaliser l'oued Zguid. Actuellement les sables de l'oued majeur confinent à la base de la crête étudiée et les derniers tamaris s'insinuent entre les blocs éboulés.

Sur toute sa longueur le site se présente comme un amas de blocs de gabbros sérieusement patinés. La roche mère intrusive a ainsi été débitée en masses que l'érosion a poli. Nombreuses sont donc les faces et facettes qui s'offrent alors à l'artiste-graveur. Mais délicate demeure la tâche, car la roche est une des plus dures qui se puisse trouver pour cet usage ..

D'ailleurs cette crête ne présente aucune originalité notable quand on la compare aux autres crêtes découvertes dans la région. Et c'est l'une des raisons qui fit que, dés que nous fûmes initiés à la prospection archéologique, nous pensâmes à rejoindre cette zone dont la texture nous avait frappés. Et ce fut immédiatement la découverte des gravures.

Ainsi nous étions, jusqu'alors, passés à côté de ce trésor artistique et nous avions même certainement foulé au pied certaines d'entre elles.

Cela suffira t il à expliquer que nous n'ayons nulle part trouvé trace de la découverte de ce site par quelque autorité militaire, ou quelque géographe, ou quelque géologue. ?

Celtes les gravures sur gabbros ne sollicitent pas le regard comme peuvent le faire les gravures profondes sur grés. La matière elle-même est granuleuse, le trait s'il est incisé est toujours très modeste, le piquetage patiné ne se remarque qu'avec une certaine attention; si l'orientation du soleil n'est pas favorable; pour si peu que l'incidence de ses rayons ne conviennent pas, alors, l'œil vagabond ne remarque rien.

Par la suite nous devions trouver dans la région de nombreux autres sites, mais chaque découverte nécessitait une attention soutenue, attention que ne réclament pas les grès tendres où le graphisme se devine à plusieurs dizaines de mètres pour si peu que les rayons du soleil renforcent les ombres.

La prospection archéologique dans le Sud-Marocain est un fait peu banal. Elle eut ses promoteurs, Mardochée le guide israélite de Charles de Foucault, avait déjà signalé des sites intéressants, de nombreux officiers des « A.I » s'intéressèrent à ces recherches et signalèrent leurs découvertes. Bien sûr il y eut, par inconscience; des dégradations graves; ainsi de magnifiques gravures finirent sur un linteau de porte ou sur un front de cheminée, dans quelque bureau militaire, d'autres en revêtements routiers.

Les difficultés de prospecter dans ces zones, gardées jalousement par les militaires, limita considérablement l'intervention des civils et l'expérience remarquable des deux journalistes Odette de Puigaudeau et Marion Senones n'en prend que plus de valeur et d'intérêt.

Les missions officielles dans le Sud Marocain furent donc peu nombreuses et les études générales considéraient cette région comme quasiment stérile en vestiges préhistoriques.

Il est certain que de nombreuses thèses ou hypothèses actuelles s'avéreront bien insuffisantes voir inexactes, lorsq:ue seront prises en considération les découvertes de ces demi ères années.

Car il a fallut attendre 1956 pour que l'indépendance accordée au Maroc leva le tabou de l'insécurité et autorise la libre circulation des gens le long de ces pistes merveilleuses. Un esprit nouveau était né qui devait conduire certains néophytes à la prospection archéologique. Si des personnages avertis: professeurs d'histoire, de géographie, de sciences naturelles, furent très vite enthousiasmés par la reconnaissance des sites signalés, ils devinrent, à leur tour, des novateurs et en quelques années les connaissances archéologiques furent multipliées par un facteur inespéré

On ne parlait plus de quelques dizaines de gravures mais de milliers et des découvertes d'un haut intérêt scientifique furent faites. Les prospecteurs bénévoles, et parfois incultes quant à l'mi rupestre, aidèrent les novateurs et des équipes de travail se créèrent. Peu à peu, les cartes du Sud marocain se meublèrent de repères colorés et l'extrême richesse de ces zones apparut comme une évidence prometteuse.

A peine quelque article de fond était-il formulé que des découvertes nouvelles montraient son insuffisance. Un travail de centralisation aussi phénoménal que celui d'André Simonneau, joint à des prises de contact avec d'autres chercheurs d'Afrique, faisaient apparaître soudain des faits, assez troublants, qui pourraient être de parenté, de filiation, voire de simple influence.

Des schémas naissaient qu'il fallait compléter, raturer, raccorder. Actuellement il n'est même pas possible de faire un point sérieux.

Une des ressources offertes par ces gravures est la nature de la faune. On peut mettre en doute le talent du graveur quant au réalisme de la représentation qu'il a formulé. Pourtant un rapprochement des nombreuses gravures révèle bien qu'il s'agit de mêmes variétés animales, et un travail d'inventaire devrait être fait. Toutes ces espèces, bien sûr, ont disparu de la région considérée; mais toutes n'ont pas disparu de la surface terrestre. Il serait utile que naisse' lm inventaire sérieux.

La recherche préhistorique a pris durant ces dernières années une ampleur considérable. L'abondance des publications met à la portée de chacun les documents les plus secrets. Des théories enfin naissent de cette moisson, plus proches de la vérité.

Ce foisonnement des gravures marocaines est un atout précieux. Le Maroc saura t-il sauvegarder ce patrimoine humain? saura-t-il ouvrir largement les arcanes de l'étude et freiner cet engouement odieux que vrais et faux antiquaires suscitent en cachant dans leur arrière-boutique quelque pierre gravée dont la disparition sur le terrain est une mutilation intolérable.

Pendant que cette ivresse de la découverte et de la prospection gagnait son monde nous eûmes l'idée de faire un relevé méthodique complet du site de Mrimimah qui se présente ainsi :

  • ·Un complexe de plus de cinq kilomètres
  • ·Une pérennité certaine du peuplement de cette zone Où survivent encore quelques centaines de personnes
  • ·Une étrange atmosphère de religiosité autour de cette célèbre zaouia
  • ·Qui complète et survit aux magies antiques dont le bétyle phallique devant la zaouia témoigne encore.

Nous reconnaissons que ce travail accompli à Mrimimah ne peut être généralisé. Il fallut plusieurs armées aux quelques personnes de notre équipe pour faire ces relevés. Il fallut des centaines d'heures de travail en chambre pour les reproduire, mais nous pensons que ce genre de « Corpus» pourrait servir de base à des études plus générales. Pratiquement presque toutes les gravures lisibles ont été photographiées et notées. Elles autorisent déjà quelques statistiques par la nature des espèces animales représentées, par leur taille, leur orientation, leur cohabitation et l'estimation de leur âge.

L'idéal serait que ce travail soit complété, par exemple pour la période des chasseurs, par la réalisation d'un corpus sur des gravures sur grès. Ces documents pourraient alors être mis à la disposition de tous et autoriseraient un travail de synthèse.

Bien sûr l'étude sur le terrain même me semble préférable, mais la puissance de conception que réserve la salle d'études n'est elle pas supérieure? La filiation ou l'influence ne se lit elle pas magnifiquement en rapprochant deux documents souvent relevés à quelques centaines de kilomètres de distance? Mais ce sont là des évidences par trop banales pour qu'il soit besoin de les rappeler. Mieux vaut débattre de la valeur du document qu'apporte ce « Corpus» et de la manière dont il naquit. Une méthode nouvelle sans doute qui ne laissa rien au hasard. Par exemple :

Le jalonnement des crêtes à intervalles de 100 mètres pour créer des zones repérées

La photographie en diapositives doublée de la photographie en noir et blanc.

Enfin, en salle, la projection de l'image sur une fiche cartonnée au format de 230 x 180 mm où l'on dessine seulement la gravure. La photographie noir et blanc sert à vérifier ce que l'on a dessiné et si un doute persiste la prochaine expédition permet l'ultime vérification.

Nous ne nous croyons, cependant pas, à l'abri de tout reproche ainsi en est il des déformations dues à la représentation plane de la' photo sur ,me surface bombée. Mais à aucun moment nous n'avons été étonnés de voir comment l' « artiste» avait utilisé l'accident de surface de son support pour donner à sa gravure plus de réalisme.

Il est arrivé que l'imprécision d'une photo pose quelque problème. La confrontation du dessin obtenu et de la gravure sur le terrain permet alors de corriger. Il est arrivé que la gravure elle-même présente, à quelques heures de distance après la prise de vue, des différences ou des imprécisions flagrantes; nous nous bornons alors à ne mentionner que ce que nous sommes sûr d'être œuvre humaine et non artifice naturel. Rares d'ailleurs sont ces cas, et encore qu'il ne faille préjuger, peu probables sont les ressources offertes par de tels documents.

Quels étaient ces hommes qui fréquentaient Mrimimah à cette époque? Quelles tec1miques de chasse utilisaient-ils réellement? Quels rites observaient-ils? Quel était le graveur? et où apprenait-il son art? Ce piquetage exigeait-il l'emploi de ces nombreux morceaux de cristal de roche que le sol environnant conserve en témoignage? Pourquoi ne retrouve t on que si peu d'outils polis ou mêmes simplement dégrossis que d'autres zones révèlent? Certains de ces artistes graveurs au goût sûr ; au métier affirmé, étaient-ils incapables de faire naître la beauté de la pierre éclatée ou polie ? Ou bien faut-il admettre que le piège de terre, de bois, de feuillage, ou les lanières de cuir primaient sur les artifices de projection des armes? Les outils finis étaient-ils au contraire tellement parfaits qu'on les conservait soigneusement avec soi, les retouchant si la nécessité l'imposait. ? Mais en un lieu ou un autre on eut découvert quelques unes de ces merveilles. Or nos prospections, sur le site, furent aussi appliquées que nombreuses, mais jamais l'outil - ou l'arme - ne tomba entre nos mains. L'arc que l'on trouve ailleurs n'est que très peu représenté à Mrimimah , il est vrai que l'on y trouve que très peu de figures anthropomorphes. Ce n'est d'ailleurs pas une raison suffisante pour conclure à l'inexistence de cette arme, ou de toute autre, Aussi on se demande avec perplexité comment ces chasseurs agissaient; sans doute en traquant.

Nous n'avons pas trouvé trace de foyer permanent ce qui nous paraît normal, le territoire de chasse de l 'homme est nécessairement éloigné de son habitat. L'odeur de la tribu humaine ne doit guère être attirante pour le gibier. Le centre de chasse n'était donc occupé que sporadiquement, soit au cours d'une battue, soit au cours de quelques manifestations magiques précédant l'acte de chasse.

Une tribu avait-elle plusieurs zones de chasse? Vraisemblablement, car, à voir la quantité de ces centres gravés, on pourrait alors conclure à une densité de population énorme. Or les calculs de densité des populations nomades, n'ont jamais donné que des résultats de l'ordre de quelques unités / km2. La tribu était nombreuse, elle était mobile, elle avait ses terrains de chasse, elle avait également des techniques qu'il nous est difficile de reconstituer, mais que le simple examen ethnographique des tribus chasseresses contemporaines nous suggèrent. Car si, bien évidemment, juger de l'idéologie de ces ancêtres en prenant pour modèle l'idéologie des tribus équivalentes actuelles est une solution de facilité bien critiquée, l'examen des méthodes de pêche ou de chasse des dites tribus doit être pour nous un enseignement certain. Quant aux gravures rupestres, que voulaient-elles représenter?

Un inventaire de massacre? une incantation, une manifestation magique? peut-on statistiquement en conclure à la répartition du gibier? Pas du tout! car le seul gibier représenté el}. un lieu donné est le gibier' qui y fut traqué au titre de l'alimentation de la tribu et la traque du rhinocéros ne peut être située aux mêmes lieux et places que celle du mouflon., et tel site doit normalement être plus riche d'une certaine espèce que tel autre Ces sites étaient-ils marqués du sceau de leurs propriétaires? C'est là chose vraisemblable, et quels étaient ces signes? Et où figuraient ils ?

11 semble que certains graphismes, confus à nos yeux, pourraient être des plans ou des cartes de la région. Mais quelles conventions, quelles directions suivaient les graveurs? A cet effet nous nous sommes amusés, un soir, à interviewer quelques nomades qui étaient devenus des familiers de notre campement. Ils étaient trois jeunes adultes, certainement aussi analphabètes les uns que les autres; nous leur demandâmes s'ils pourraient dessiner sur le sol, le chemin à suivre de Foum Zguid à Sbar. « Bien sûr! » nous fut-il répondu sans hésitation. Pour éviter toute influence de l'un d'eux sur les autres, nous les avons séparés et laissés agir. Les résultats furent surprenants.

Ces hommes qui sur le terrain sont capables de faire preuve d'un sens de l'orientation remarquable, ne tiennent absolument pas compte de cette notion dans leur tracé.

Le premier nous a fait un dessin qui ne tenait compte que de son itinéraire qui menait droit à Sbar. Il laissait à gauche la piste Iriqui dont il n'avait que faire. Il la sortait de sa direction absolue pour lui laisser sa direction relative. A noter que les conceptions se retrouvent dans notre langage, « Aller droit à Paris» « laisser à gauche la route de ... ».

Le deuxième sujet s'intéressa aux divergences des pistes qu'il sanctionnait par des positions extrêmes.

Le troisième donna une représentation normale mais avec des détails explicatifs.

Pour ce qui est de la suite de la carte que chacun dressa les remarques étaient très intéressantes, tel fit tout en ligne droite, tel autre procède par tronçons. Chacun comportant sa vérité mais ne pouvant être rattaché aux autres que par quelques explications. Certain parcours revenait sur lui même, certain autre avait une facture serpentiforme simplement parce que la surface où s'exécutait le dessin s'avérait trop petite.

Aucune conclusion certaine ne peut être tirée de cette expérience modeste, mais peut être qu'une méthode de recherche pourrait en dépendre.

Nous avons fait quelques observations sur les outils recueillis.

Un hachereau en quartzite grise ne présentait qu'un tranchant poli sur les deux faces, le corps lui même était absolument informe

Beaucoup plus fréquents sont les outils en silex vert. La matière première abonde vers le Sud à quelques quarante kilomètres de là, vers le Draa. L'érosion nous l'offre sous la forme de lames épaisses de 10 à 15 mm ; moyenne de longueur 10 cm ; moyenne de largeur 2 à 3 cm. Ces lames parsèment le sol caillouteux de la plaine. Pour l'utilisation, elles furent à peine modifiées dans leur forme. Quelques centimètres carrés de polissage donne un hachereau. Il semble bien qu'on ait appliqué à la pierre le minimum de travail pour obtenir un outil tout de même efficace.

Mais cet outillage est-il contemporain de nos chasseurs, nous avons de fortes présomptions pour que ce soit. Pour le moment nous n'avons découvert aucun habitat certain, aucun amas qui puisse autoriser la stratigraphie. Ces chasseurs nomades vivaient probablement sous des tentes légères que les années n'épargnaient guère.

Les tribus ne semblaient pas être très nombreuses. D'ailleurs leurs terrains de chasse étaient-ils bien délimités? Le campement devait être assez éloigné, blotti au creux de quelque vallon et à proximité de points d'eau, l'odeur de la tribu humaine n'est guère agréable au gibier. Les centres de chasse, lieux de passage quasi obligatoires pour l'animal qui fuit n'étaient occupés que sporadiquement, soit au cours d'une battue, soit au cours de quelques manifestations magique préparant ou concluant l'acte de chasse.

Chaque zone de chasse devait donc posséder un certain nombre d'artifices naturels autorisant la « cache» des chasseurs la pose de pièges ... Chaque centre devait donc être selon sa position et sa configuration plus ou moins apte à la prise de tels ou tels animaux.

Les gravures sont là qui nous parlent de la faune traquée en ces lieux. Ces pages d'art animalier, que la pierre nous a conservé durant quelques quarante siècles, ne sont pas des pages de sciences naturelles mais plutôt des « galeries» un peu comme ces innombrables « massacres» dont sont encore ornées certaines des pièces d'habitation de grands chasseurs.

Leur inventaire doit être fait avec sérieux et une nomenclature complète de cette faune de l'époque des chasseurs pourrait être dressée, tant dans le domaine des mammifères que dans celui des oiseaux.

Dans la région de Mrimimah subsistent, encore actuellement, la gazelle, le mouflon et l'outarde ... c'est bien peu. Beaucoup d'espèces disparues de ces lieux semblent se retrouver dans les steppes sud sahariennes. Ainsi d'autres espèces disparues à jamais pourraient faire l'objet d'un classement.

A quel moment ces gravures étaient-elles exécutées?

Avant la chasse, afin de la rendre bénéfique? Alors l'artiste précédait de quelques jours le gros des chasseurs. (Artistes et prêtres si ces individus ne se confondaient pas) Mais le gibier est tellement méfiant que cela paraît peu vraisemblable.

Après la chasse? pour commencer l'exploit, cette notion paraît plus vraisemblable. La gravure, alors, est tracée sur le lieu même où la bête fut prise. Ce qui expliquerait que certains « foums » soient plus richement décorés que d'autres parce que plus passagers. L'artiste, si besoin est, agrémente la bête, qu'il dessine, de traits particuliers qui symbolisent la tribu ou, beaucoup plus douteux, le chasseur qui a réussi l'exploit. Plus douteux car il ne s'agissait certainement que de chasses collectives, alors certains signes chasseurs caractérisant telle tribu permettrait d'en suivre le déplacement.

On aimerait savoir jusqu'à quand ces lieux furent livrés aux chasseurs, car si, dans le Sahara central, le gibier a définitivement disparu, il n'en est pas de même de cette région de piémont.

Avant que les massacres imbéciles n'en viennent presque définitivement à bout les gazelles abondaient dans cette région. Vers le djebel Bani, au nord du Draa, dans l'anti-Atlas, vers l'Ouarkziz au Sud du Draa, le mouflon rescapé est encore abondant. La vallée du Draa est encore pourvue d'outardes de belle taille? C'est dire qu'il n'est point nécessaire de revenir plusieurs millénaires en arrière pour retrouver sporadiquement des conditions écologiques autorisant la chasse.

Le site de Mrimimah se complète d'autres sites qui semblent géographiquement liés à lui. L'un d'eux, situé à une quarantaine de km au Sud Est est en bordure d'une région qui, au printemps, lors de la fonte des' neiges du Haut Atlas, devient un vrai petit paradis. L'eau sourd du sol en abondance, formant par endroits de véritables marécages, et donne naissance à une végétation exubérante. Le visiteur, qui jusqu'alors n'a parcouru que plaines caillouteuses se trouve brusquement dans de véritables prairies submergées? Ce ne sont que chants d'oiseaux; les gazelles y sont abondantes, les nomades regroupés. Et ce, indépendamment du lac Iriki dont le processus de remplissage est tout a fait différent (il est à peu près certain que désormais, le barrage de Ouarzazate empêchera à jamais ce lac de se remplir).

C'est dire et confirmer que nos chasseurs auraient pu survivre jusqu'au début de notre ère. A cette époque, le petit éléphant Nord Africain devait encore exister mais le rhinocéros bicorne avait sans doute déjà disparu.

Le bœuf ibérique (bos ibericus), dont ont voit de fréquentes reproductions gravées était chassé dans cette région de Mrimimah comme d'ailleurs tout au long de Draa. Il semble prédominer sur les autres races de bœufs quant à l'abondance. Ce bœuf était-il domesticable ?

On a trop tendance à appeler antilope tout animal à cornes, c'est à dire à confondre famille et espèces. Il serait souhaitable qu'une tentative d'inventaire soit faite sur les gravures. Elle permettrait une différenciation entre espèces émigrantes et espèces à jamais disparues. Une remarque générale s'impose encore à nous:

Le félin gravé est rare sur les blocs de Mrimimah comme il est rare partout ailleurs sur les 6 ou 700 km qui longent le Draa de Zagora à l'embouchure du fleuve, mais ce caractère est propre aux animaux carnassiers dont l'homme s'est méfié Le carnassier est un rival dangereux. Par ailleurs, nous l'avons dit, l'homme n'estime pas sa chair. Or il est certain que l'abondance des herbivores s'accompagne de l'existence des carnassiers. Les chasseurs n'étaient guère attirés par l'étude de la faune qui leur faisait concurrence et leur art s'appliquait Surtout à la représentation des animaux comestibles.

Il y a quatre millénaires, l'homme n'aimait guère davantage le carnassier que nous ne l'aimons actuellement. Question de goût ou de chasse. Un carnassier de quelques dizaines de kilos est dangereux pour l'homme qui devient alors une proie. La domestication des carnassiers ne devait pas aboutir à un élevage alimentaire et à l'heure actuelle, rares sont les populations qui mangent chats ou chiens. Si l'homme a ensuite domestiqué le carnassier c'est souvent pour l'aider dans la chasse des herbivores. D'ailleurs, le carnassier est plus souvent dressé que domestiqué. D'où vient cet interdit de consommation de viande d'animal carnassier, peu importe. La préhistoire nous révèle, en tout cas, que déjà ce tabou existait et que sa pérennité est une constante humaine.

Ainsi l'homme de Mrimimah n'a guère chassé ce concurrent. Tout au plus lui arriva-t-il au cours d'une chasse ou par surprise d'avoir à se battre contre l'un d'eux. Peut-être qu'alors l'artiste a voulu graver sur la pierre l'issue heureuse du combat.

Par la suite l'homme domestiquera certains carnassiers, ce sera pour en faire des aides mais pas une nourriture. D'ailleurs le carnassier est plus souvent dressé que domestiqué.

L'autruche abondait certainement; elle est bien représentée, mais d'autres oiseaux abondaient également et il n'est pas toujours aisé de distinguer :autruches, outardes, flamants, grues, canards, hérons.

Pour si réaliste que soit que soit le graveur ce ne fut certainement pas par réalisme qu'il exécuta ses représentations. Les motivations, nous voudrions bien les connaître. Nous retiendrons que les statistiques que l'on peut dresser à partir des gravures n'autorisent nullement le zoologue à conclure définitivement quant à la faune du lieu et de l'époque.

Comment chassaient ces hommes? Il ne semble pas que nous ayons su découvrir de grands ensembles-pièges. La méthode classique devait être la battue. L'équipe qui rabattait le gibier semblait devoir aller le chercher assez loin et, lentement, l'amener vers cette portion resserrée de l'oued Zguid. Actuellement, encore, cette partie du lit est fort bien boisée en arbustes divers, tels que les tamaris Il devrait être plus abondamment fourni à cette époque et lieu de refuge pour certains gibier et il était également un lieu de « cache» pour le chasseur. D'autres chasseurs devaient occuper les crêtes; blottis à l'abri des blocs rocheux, ils attendaient le gibier qui fuit en découvert: antilopes, mouflons, gazelles, etc.

L'arme devrait être de bois qu'elle fut lame, épieu, ou gourdin. Le piège devrait utiliser force lanières de cuir ou cordes tressées. Peut être était-il souvent fait de filets. Des fosses étaient camouflées dans le lit de l'oued où elles sont faciles à creuser car dans la plaine caillouteuse le sol est trop dur, le temps nécessaire trop conséquent, et la probabilité de passage trop faible.

Ce gibier était bien consommé quelque part ? Comment en retrouver des traces qui aideraient tellement à une datation?

le climat actuel conserve bien les os mais le campement des chasseurs devait être sollicité par les charognards tels que hyènes, ou chacals ... autant qu'il peut l'être actuellement. Alors ... sitôt libéré le campement était nettoyé.

Enfin ces hommes, quel devenir fut le leur? Chassés à leur tour partirent-ils ailleurs ou bien surent-ils se sédentariser? Le bœuf revient fréquemment dans les représentations graphiques et cela à toutes les époques. Trois ou quatre espèces différentes peuvent être notées. Le chasseur qui a traqué un troupeau de gazelles a fort peu de chances de retrouver ces bêtes. Véloces, bien adaptées au terrain elles fuient fort loin. Il n'en est pas de même du troupeau de bœufs sauvages. Cet animal ne peut fuir très longtemps. Tous les terrains ne lui sont guère favorables. Il doit demeurer à proximité des vallées d'oueds. L'homme va le retrouver, le suivre à distance. Il faudra bien que l'animal s'habitue à cette présence. Certes il est domesticable mais non encore domestiqué et il faudra beaucoup de temps pour que l'animal accepte cette présence, et il faudra beaucoup de temps également pour que l'homme découvre la richesse que ce comportement cache et qu'il invente la domestication. Peu à peu la tribu humaine devient parasite du troupeau et une vie en communauté s'impose. L'homme le plus doué saura approcher le troupeau sous quelque déguisement, ou grâce à quelque artifice inventé? Cet homme prendra une place privilégiée dans la tribu. Et peut être que ces scènes d'approche d'animal que l'on trouve gravées ont quelque rapport avec ces tentatives? Bientôt peut être viendra l'instant où l'animal a abattre aura été choisi auparavant L'homme ne sera plus chasseur, il sera boucher.

De génération en génération, l'homme découvrira les qualités, les habitudes de son commensal. Cette lente évolution tient du merveilleux, car l'animal a autant agi sur l'homme que l'homme a agi sur l'animal.

Ce gibier sur pied qu'on suit aussi souvent peut être qu'on le fait suivre, prend pour l'homme sur le plan émotiOlU1el une importance grandissante. C'est une chasse gardée et la tribu propriétaire doit se dépendre des concurrents éventuels.

Le troupeau a du très vite prendre un sens sacré. Tuer une bête est une mutilation que la tribu doit se faire pardonner par l'observation stricte de certains sites qui naissent peu à peu de la cohabitation et lentement ce qui était acte de chasse devient sacrifice. Le rite se poursuivra jusqu'à nos jours, la bête sacrifiées est partagée entre tous les membres participants, comme cela se faisait pour la tribu.

Et dans cette image du chasseur pasteur qui s'avançait seul vers le troupeau pour y choisir la bête à sacrifier et adroitement l'entraver n'y a t-il pas comme un arrière-point des jeux de l'arène.

Plus tard, lorsque l'homme sera devenu éleveur il aura quitté Mrimimah. Il se sera réfugié vers ces « foums ») du Djebel Bani où l'eau est plus abondante. Il se sédentarisera entre Bani et Anti Atlas. Il aura conservé l'habitude de confier ses messages à la pierre et laissera ainsi les plus beaux sites de l'époque Bovidienne.

Ces gravures de Mrimimah, les voici. Elles s'étalent sur plusieurs millénaires. Les cercles concentriques de l'époque archaïque sont tout aussi patinés que la pierre support, l'érosion les rend difficilement lisible. Ils sont complétés de graphismes aussi difficiles à déchiffrer qu'à interpréter.

Et puis c'est l'âge des chasseurs. Le dessin est très réaliste. L'artiste a parfois laissé des merveilles. Jamais toutefois elles n'atteindront les perfections de celles qu'on découvre dans le grès plus tendre. C'est qu'ici, le trait net, profondément gravé serait trop long à obtenir. On se contentera de traits incisé ou de piquetage, ou de décapage. L'instrument du graveur sera sans doute un de ces morceaux de quartz qui se retrouve en abondance à proximité de la crête, abandonnés après usure ou usage.

Et puis, la gravure perdra de ses qualités esthétiques. L'animal représenté est à peine esquissé. Le trait est plus léger le pointillé bâclé. La taille de la gravure devient plus modeste. Quelques exemplaires toutefois seront encore beaux. Le corps de l'animal se compartimente. Les attributs céphaliques apparaissent ainsi que d'autres signes culturel~, car une culture naît lentement, s'élabore péniblement. L'anxiété du lendemain pousse l'homme à faire en sorte que les choses passées se renouvellent, car l'homme veut savoir ce qu'il faut faire et comment il faut le faire, car déjà il devine dans ce monde hostile l'existence d'une certaine logique .

Hommes d'il y a 4 ou 5 millénaires, partis semble t-il sur la pointe des pieds, hommes oubliés, voici que tout à coup vos descendants du vingtième siècle vous retrouvent et cherchent anxieusement ce que fut votre vie d'un autre âge, et l'émotion les étreint devant ce trait de la roche qu'un jour une main a ébauché.

Homme de Mrimimah tu n'es encore qu'un instrument de la nature mais tu as déjà fait le premier pas vers une toute autre condition ».

 

« Quand mon ami Jean Paul a écrit ce texte nous venions de rentrer du dernier voyage dans le Sud qu'il avait voulu faire.

Le dernier voyage avant sa fin qu'il savait proche et malgré ses souffrances. Une dernière fois, un dernier jour, une dernière nuit ses adieux au Sahara.

Quelques jours après il mourrait à Paris dans une ultime opération.

Ce texte que je l'ai vu écrire devant moi, qu'il me commentait faisant semblant de croire ou de nous faire croire qu'il serait sauvé encore une fois,·il m'a fallu trente ans pour l'ouvrir et recopier l'écriture tremblante, les ratures, les notes ...

Adieu Jean Paul

Robert Letan, Casablanca, 9 juin 2002 »

 

 

Papa en montagne.

 

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Papa, déjà malade, se protégeant du soleil suite à sa radiothérapie. Photo prise à la villa des Marcellesi (consul adjoint de France à Marrakech), chapeau prêté par Nikki Marinakis née Marcellesi.

 

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Ca y est l'article est complet mais le MAN ANA  de Jacques n'est pas encore terminé.  Il a mis toute sa sensibilité  dans ses écrits et nous ne pouvons que la partager...Cela nous promet encore de la lecture pour les prochaines semaines..

Mes AMIS, je souhaite, au dessus de vos têtes, le retour de l'anticyclone promis par les spécialistes météorologues télévisuels. Que le soleil viennent réchauffer nos carcasses (Je n'ai pas osé écrire "Vieilles carcasses") et nous permette de nous retrouver bientôt.

Votre toujours MICHEL

 

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2 mars 2014

Le Carnaval et MAN ANA 14

C'est dimanche, depuis 12h le soleil pointe son nez et je viens vous saluer.

Hier soir, à Sarburg, avait lieu le traditionnel défilé de carnaval... toujours en nocturne...Je tenais à vous en montrer quelques photos.

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Les chars illuminés.

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De nombreux groupes de joyeux participants et de jolies filles...

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Mais aussi des déguisements de Grand Mère.

Je profite de l'article d'aujourd'hui pour fêter à toutes celles qui le sont déjà, une bonne fête des Grands Mères...

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L'ambiance était maintenue par des orchestres répartis le long du parcours...

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Encore deux photos qui vous prouveront que la soirée fut bonne

 

Cet année, la lumière était présente partout. La multiplication des ampoules à basse consommation et surtout les LED ont permis la construction de chars bien illuminés et les groupes en ont aussi profitée.

Un public nombreux s'était massé sur le parcours du défilé qui a traversé la ville pour finir à la salle des fêtes où était organisé un bal.. Il a été distribué, 500 kg de chocolat et 800 litres de vin....

La météo s'étant améliorée quelques heures auparavant et les carnavalistes ont pu ainsi bénéficier d'un temps sec et plus trop froid.

Il y a des défilés, ce dimanche, dans plusieurs petits villages autour de Saarburg. Demain c'est à TREVES, mais je n'irai pas. Je vous ferais des photos du défilé de Serrig, mardi après midi....Promis....

Maintenant, la suite du Man Ana de Jacques que vous attendez certainement tous.

 

Voyage avec Pierre 

Papa était malade. Il avait déjà subi une première opération à Paris et, pour remercier ses amis Testemale, il leur avait proposé d'emmener leur fils cadet Pierre avec lui, pour lui faire visiter le Maroc. 

Pierre passa quelques jours à Marrakech avec Papa et Michel, puis je rejoignis le Maroc pour mes vacances et, tout naturellement, nous programmâmes une virée dans le sud. 

Cette année-là, la région de Tarfaya continuait de nous attirer. J'avais commandé à l'IGN de Paris la carte de la région à grande échelle, et elle vint naturellement compléter la couverture en cartes à grande échelle que nous utilisions depuis des années. 

Une carte, une boussole, des talkie-walkie, une solide expérience du sud, et nous voilà partis avec la Land-Rover chassis long, la tente, et tout l'attirail nécessaire. 

En particulier, la caméra 8mm Canon de papa, véritable pièce de musée, qui a fait tout le sud y compris à dos de chameau avant d'être soigneusement rangée, détrônée par la caméra super 8 Pathé Webo avec objectif Angénieux qui représentait ce qui se faisait de mieux comme matériel cinéma avec ce nouveau format. Sauf qu'elle pesait un âne mort... 

Nous voilà partis vers Tan Tan, et après les ravitaillements indispensables en cigarettes et caramels espagnols, nous prîmes la route de l'intérieur, vers le poste d'Abatteh. 

Au bout de quelques kilomètres, la piste serpenta dans un désert essentiellement fait de collines de quartzite gris, sans aucune végétation. Un décor totalement lunaire, mais la piste ne filait pas dans la bonne direction. Elle s'incurvait vers l'Est et prenait la direction de l'Algérie en passant pas Zag, ce qui n'était pas du tout notre route. 

Demi-tour, donc et retour à la case départ avant de prendre l'autre piste ; en 1971, ni panneaux indicateurs ni GPS, et pas d'indigène non plus pour nous renseigner. 

Nous finîmes par retrouver nos points de repère sur la carte, et par arriver au fort d'Abateh, sur le haut oued Chebika. Arrêt au poste, bien sûr, où nos identités furent soigneusement relevées. Michel et moi avions la carte verte d'étranger marocaine, Pierre avait son passeport français. 

Le chef de poste nous proposa bien sûr un guide jusqu'à Tarfaya, mais nous refusâmes lui montrant notre carte IGN.

« Mais c'est une carte militaire ! »

« Non, c'est une carte que j'ai acheté en France, et qui est en vente libre ».

Le document n'étant vraisemblablement pas classé « secret défense », il insista nous demandant si nous savions relever un gisement. Lui ayant expliqué qu'avec une boussole et un point culminant, il nous était aisé de savoir où nous étions, il finit par capituler et nous laisser partir. 

A nous les grands espaces, il suffirait de repérer la piste qui partait vers la droite 80 km plus loin pour obliquer vers Tarfaya. 

Peu après avoir quitté le poste, des taches d'humidité avec des cigognes nous amenèrent à essayer de les filmer, avec des ruses de sioux. Peine perdue, les bestioles étaient d'une méfiance incroyable ! Il ne nous fut pas possible d'obtenir des plans rapprochés, même en les rabattant sur le cameraman par un savant mouvement d'encerclement piloté par radio. 

La nuit tombant, nous plantâmes la tente et passâmes notre première nuit en plein désert. 

Pierre s'accoutumait au rite du plantage de tente, de cuisine, de petite veillée au clair de lune, et du dodo parce qu'il n'y avait rien de mieux à faire. Dur pour un parisien, une nuit sans autos, sans métro, sans ciné...

 

Le lendemain, quelques gouttes de pluie vinrent nous surprendre. Nous repliâmes la tente un peu mouillée, mais surtout beaucoup plus lourde. Nous la ferions sécher plus tard. 

Nous reprîmes notre route tranquillement, nous arrêtant de temps en temps pour chercher des silex, ou observer la quantité invraisemblable de lichens collés sur des pierres de petite taille. A tel point que le sol avait une teinte verdâtre, sans un seul brin d'herbe toutefois. 

Nous guettions la piste qui devait partir vers la droite, mais l'absence de point de repère s'avérait déroutante.

 Même le sommet sur lequel nous comptions pour vérifier notre progression était difficilement discernable.

 Le pique-nique du midi, dans un lieu totalement isolé de tout, nous vit déployer la tente pour la faire sécher, pendant que nous mastiquions notre sandwich kesra sardines à l'huile et que nous fantasmions sur l'éventualité du passage d'un avion qui repérerait la tente bleue étalée sur le sol.. Finalement, des « terroristes » ne s'amuseraient pas à se signaler ainsi... 

La carte nous indiquait que la piste devait obliquer vers l'ouest en longeant un oued qui se creuserait petit à petit. En suivant l'oued, de toutes façons, nous arriverions à la mer, quelque soixante dix kilomètres plus loin toutefois.

Sur notre gauche, le lit de l'oued Khaoui Naam se creusait. La route était bonne. Au loin, nous distinguons une construction en pisé. Un poste militaire abandonné ?

Sur la gauche, une décharge de bouteilles vides. Il fait soif dans le Sahara, et les ordures inertes telles le verre étaient souvent stockées en plein air. Un petit arrêt nous fit identifier Fanta et Coca, mais c'était un peu juste pour déterminer l'âge du dépôt pas si archéologique que cela. 

Nous remontâmes dans la voiture et nous rapprochâmes du poste. Nous voyions flotter un drapeau au mât, et il s'agissait du drapeau Espagnol ! 

Merde ! On avait passé la frontière sans s'en rendre compte, et on était en Espagne. Au Rio de Oro précisément. 

C'est le moment que Pierre choisit pour faire sa crise de parisien et s'écrier : « Moi, je suis antifranquiste ! ».

 Une petite explication de texte ferme l'incita à continuer de militer sur les Champs Elysées, mais ici il valait mieux éviter ce genre de proclamation, les geôles locales pouvant s'avérer inconfortables. Déjà qu'on était entrés chez eux sans le demander, si en plus on les énervait, on allait avoir des ennuis sérieux.

 On  s'approcha du poste, une sentinelle en sortit, pistolet mitrailleur à la main. Nous comprîmes qu'il valait mieux nous arrêter, éviter de dire que l'on avait des radios, et méditer en silence sur l'absence de matérialisation de la frontière. Quand on sait d'autre part avec quelle minutie les espagnols marquaient leur frontière dans les Pyrénées à l'époque, le fait de la traverser était encore plus saugrenu.

 Le dialogue s'engagea, nerveux, et mon espagnol me revint à vitesse grand V.

« Donde estàn los otros ? » (où sont les autres).

« No hay otros, estamos tres » (il n'y a pas d'autres nous sommes trois)

« El vehiculo se parà y han salido dos » (le véhicule s'est arrêté, et deux sont descendus)

«  Hemos salido tres, y hemos entrado tres » (trois sont sortis, trois sont entrés)

« De donde vienen » (d'où venez vous)

« De Tan Tan ».

« Que haceis aqui » (que faites vous ici)

« Turismo » 

Conciliabule entre eux. Des touristes dans ce coin cela ne courait pas les rues ! Finalement, un militaire nous fut adjoint et on nous intima l'ordre d'aller voir le contrôle civil, sur l'autre rive de l'oued où nous voyions un petit village. 

La descente et la remontée étaient goudronnées, indice que ceci devait être fréquenté comme itinéraire, bien qu'ensablé à mi-côte. Le guide me conseilla de mettre la land en 4x4 pour franchir le bout de dune. A tout hasard, j'avais repris le volant des fois que l'on me demande aussi le permis. Evitons les risques.

Mon espagnol, hésitant au début, devint de plus en plus fluide, entrecoupé d'expressions idiomatiques, tout ceci me ramenant à mon séjour dans une famille espagnole plusieurs années auparavant. 

A mes interlocuteurs civils, j'expliquai que nous nous étions bêtement trompés de quelques kilomètres au départ (comment on dit se tromper, déjà ? Ah oui, Equivocar ! C'est imprimé depuis dans ma tête). Je montrai la carte IGN, avec l'itinéraire que nous devions prendre, nous produisîmes nos passeports (nous avions toujours avec nous les cartes de séjour marocaines et les passeports, des fois que... Ce coup-ci, ça servit !). 

J'étais hyper stressé et j'échouai au « test de la cigarette » que l'on m'offrit et que je n'arrivai pas à allumer tellement je tremblais. 

Bon, on m'expliqua que l'on demandait par radio à El Ayoun (la capitale, Lâayoune maintenant) que faire de nous. Réponse dans une heure, lors de la prochaine vacation radio. 

Tout fonctionnait : radio, autorités civiles, et cela nous changeait du Maroc où souvent les radios étaient en panne, les téléphones ne marchaient pas, ou bien où tout marchait mais où c'était le groupe électrogène qui ne marchait pas, et sans électricité, la technologie... 

Sur la parking, nous devînmes l'attraction de Hagunia. Les gamins, qui parlaient tous un espagnol parfait, avaient écrit « Turismos Perdidos » sur la bâche pleine de poussière de la jeep. 

Michel fit un petit foot avec quelques uns d'entre eux eux. 

Un habitant du coin arriva, flanqué d'une femme d'un âge apparemment assez avancé et nous demanda si nous souhaitons tirer un coup avec elle (sί quieres joder...). Notre état mental et l'état de fraîcheur de la personne nous incitèrent à décliner poliment cette proposition, pas folichonne quand même. 

Un légionnaire nous fit une démonstration de réparation de pneu de jeep crevé. Pour décoller de la jante un pneu qui est assez voisin de celui d'un poids lourd, il montait tout simplement dessus avec la Land-Rover ! Le pneu se décollait et s'affaissait, il pouvait changer la chambre à air avec des démonte pneus énormes. Nous n'en perdîmes pas une miette, car il s'agissait des mêmes pneus que nous et il faut bien reconnaître que nous n'avions jamais crevé avec cette Land. 

Finalement, vers seize heures, la voie nasillarde de l'opérateur donna la réponse : « Conducir los hasta Tarfaya, Cambio. » (conduisez les jusqu'à Tarfaya. A vous.) 

Le militaire qui nous avait escorté fut commis pour nous conduire jusqu'à un poste qui est sur la route goudronnée, où nous ne pourrions plus nous perdre. Il nous resterait alors à rentrer au Maroc par le Sud...

Si on voulait bien nous autoriser à le faire. 

Donc, direction le poste de Daora. 

C'est de la vraie piste saharienne qui nous attendait, avec gazelles, dunes et tôle ondulée faite à soixante dix à l'heure, ce qui nous obligea à atteindre cette vitesse pour ne plus avoir l'impression que le véhicule se désagrégeait. 

La tôle ondulée est une ondulation du terrain qui se forme sur les pistes. Générée par les roues des véhicules, sa longueur d'onde dépend de la vitesse des véhicules qui l'ont faite. En dessous de cette vitesse, il faut rouler au pas sinon les ondulations nous secouent, de plus en plus en augmentant la vitesse jusqu'au moment où l'on « vole » de crête en crête sur la tôle, et où tout devient presque calme. Par contre, la maîtrise de la trajectoire avec aussi peu d'appuis sur le sol est parfois délicate. 

Au moment de la survenue du coucher de soleil, notre guide nous demanda de vouloir bien nous arrêter pour la prière du coucher de soleil. Nous admirâmes le tolérance du christianisme espagnol (et ce n'était pas rien en 1971) qui gérait l'Islam dans le respect de ses temps de prière, et nous arrêtâmes le véhicule au milieu de nulle part comme d'habitude.

 Par discrétion, nous fumions notre cigarette derrière la Land, mais le guide priait, le fusil en travers des genoux, avec des regards fréquents dans notre direction. Nous ne voulions pas troubler son recueillement, mais nous ne voulions pas non plus être gardés à vue. Lui, de son côté, ne nous perdait pas de vue, des fois que. Et puis, la sentinelle doit avoir toujours le dessus... 

Le soleil ayant disparu, nous repartîmes et arrivâmes à le nuit tombante à Daora. Contact avec l'autorité civile, embarrassée, qui finit par prendre le problème à bras le corps. Finalement, le « señor que habla espagnol perfectamente » (c'est moi) leur enleva une épine du pied, celle de l'hébergement. Les bureaux étant fermés, nous repartirions le lendemain matin. Mais je les rassurai, nous camperions dans le véhicule et donc pas besoin de nous trouver un gîte pour la nuit, une geôle par exemple ajoutais-je mentalement. Cette solution rassurant tout le monde, nous nous entassâmes dans la Land, Pierre, plus petit, en travers du siège avant (3 places), Michel et moi en aménageant les bagages à l'arrière pour pouvoir nous y allonger. 

Le lendemain, les autorités nous remirent nos passeports et nous indiquèrent la route goudronnée conduisant à Tah, le poste frontière avec le Maroc, où nous arrivâmes sans encombre. 

Bien que ce fut le matin, des cohortes de camions étaient déjà en train d'échanger à la frontière : les Pegaso espagnols transportaient couvertures, tabac, hifi et autres qui faisaient la richesse de Tan Tan et les Bedford ou Thames rouges marocains déchargeaient des fruits et des poissons en provenance du nord. 

Les papiers visés, nous nous aventurâmes dans le no man's land jusqu'à une cahute surmontée d'un drapeau marocain, le poste de douane local. 

On ne nous fit aucune difficulté pour entrer, on nous demanda simplement de passer à Tarfaya (30 km plus loin quand même) et d'aller au bordj faire viser nos papiers. Et ce fut tout ! Il faut dire que le poste frontière était particulièrement misérable, et l'activité très réduite en dehors des camions stationnés cul à cul dans 1e désert. 

Nous voilà donc au Maroc. La route longe une sebkha, la sebkha Tah. Une sebkha c'est une dépression qui peut se trouver au-dessous du niveau de la mer. Celle que nous longions se trouvait à une dizaine de kilomètres du littoral, et descendait à 55 mètres en dessous du niveau de la mer. 

Michel ne put résister au plaisir de descendre en bas de l'effondrement, pas au fond toutefois, et nous ne distinguâmes aucune piste susceptible d'y accéder. Y remonter lui ouvrit quelque peu l'appétit. Pique nique au bord de la sebkha, et en route vers Tarfaya ! 

Nous retrouvâmes la ville à peu près inchangée, si ce n'est la présence d'un hélicoptère, des gisements offshore étant en cours d'évaluation au large de Tarfaya. 

Arrivée au poste, nous présentâmes nos passeports. Pour Pierre, aucun problème, il était résident à Paris. Pour Michel et moi, résidents à Marrakech, nous dûmes ressortir notre carte de séjour marocaine, qui se vit gratifiée d'une autorisation de séjourner à Tarfaya une journée. Et ce fut tout ! Notre escapade hors frontières s'était somme toute très bien déroulée.

 

Trois ans plus tard, la « Marche Verte » voyait l'entrée de 350000 civils sur le territoire du Sahara espagnol, dont l'Espagne se retira alors après l'avoir partagé entre le Maroc et la Mauritanie. 

C'est le coeur léger que nous remontâmes vers Marrakech, jouant et filmant les différents moments de notre errance saharienne : la tente qui se déplace « toute seule » afin de trouver un espace adéquat, le croisement parfois forcé  avec des camions qui ne laissent pas facilement leur place, la descente acrobatique dans l'Oued Chebika, une des dernières fois car le goudronnage était en route et le futur radier, plus en aval, en construction. La route avançait, bientôt on irait à Tarfaya en voiture de tourisme sans quitter le ruban de goudron qui avait poussé depuis 1965 à partir de Goulimine. Cela ne nous affecta point, tant il restait de coins en dehors de la route goudronnée, qui nous réserveraient des surprises. 

De retour à la civilisation, une brève halte à Agadir chez nos amis Landau nous permit de prendre une douche, de téléphoner à papa pour lui dire que nous étions en vie mais avec quelques changements de programme qu'on lui narrerait plus tard.

Dédé en profita pour nous montrer le ravissant trou qu'il avait fait dans le plafond de sa villa le jour où il avait oublié de décharger son fusil de retour de la chasse au pigeon ou au perdreau. Il avait eu la chance que le coup ne parte pas dans la jeep, car il rangeait ses fusils dans un compartiment sous le toit, en direction de sa tête ! Il y a un dieu pour les chasseurs. 

Le retour à Marrakech le lendemain vit une dernière anecdote. Nous empruntâmes la voie directe Marrakech-Agadir, en cours d'aménagement, qui comprenait encore une partie de piste. Quelques mois plus tard, elle serait goudronnée complètement et Agadir deviendrait très aisément accessible depuis Marrakech en passant par Imin'Tanoute et l'Anti Atlas. 

Une dernière aventure nous attendait : celle du camion en panne au milieu de la piste, bloquant la circulation, une classique toutefois.

Je résumai ainsi la situation à un couple de touristes qui faisait la liaison vers Marrakech à bord d'une Ford Mustang, accompagnée d'un chien énorme ébouriffé, race Chow Chow : « le camion est en panne : il n'a pas de freins, pas de câble pour se faire remorquer. Il n'y a plus rien qui marche sauf le moteur, et vous n'avez pas de chance : il vient de tomber en panne ». 

Finalement, avec la Land-Rover, nous passâmes sans difficulté sur le côté, sur de petites terrasses au-dessus du lit de l'oued. Nous fûmes ensuite imités par tout un tas de véhicules, qui adopteraient immédiatement notre « déviation ».

La narration de nos aventures à Marrakech fit quelque peu frissonner le paternel, mais la maîtrise avec laquelle nous avions géré notre bourde le remplit aussi de fierté, même s'il n'en laissa rien paraître.

Pierre se tua en montagne l'été suivant.

 

visatarfaya

 

Page de la carte d'étranger avec l'autorisation de séjour d'une journée à Tarfaya le 17/12/1971.

 

 

Voila chers amis, l'article d'aujourd'hui se termine...J'ai l'intention, pour les semaines à venir de vous faire partager quelques souvenirs de ma jeunesse. Et je voudrais commencer par les écoles primaires..Je vais donc vous mettre à contribution.

J'allais à l'Ecole du Guéliz et c'est donc par celle ci que je vais débuter. Une description la plus réelle possible (Suivant ma mémoire). Aidez moi, camarades qui y êtes allés, du coté garçons. Aidez moi à retracer la cour, le préau, les sanitaires, les oliviers, les murs où s'appuyaient les baraques à noyaux d'abricots et tout le reste...Les filles dites nous aussi ce qui se passait derrière la porte de bois qui séparait les deux cours et qui attirait tant les grands garçons. Ceux du CM2.

Si vous avez fait vos universités dans une autre école de Marrakech, faites la même chose et donnez moi du "Grain à Moudre". Notre Blog méritera ainsi son nom : Notre Marrakech entre 1945 et 1970.

Alors à vos claviers. Si vous avez quelque chose à nous dire, envoyez moi un courriel (Vous avez tous mon adresse E.Mail ou pour ceux qui ne l'aurait pas, écrivez par la rubrique "Contacter l'auteur" sous ma photo en haut à gauche..)

Merci d'avance...Bonne semaine à tous, votre toujours MICHEL

 

 

 

 

Notre marrakech 45-70
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