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Notre marrakech 45-70
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16 juin 2013

Un vieux carnet retrouvé

 

Vous allez vous questionner sur le titre de cet article. Qu'est ce qu'il va nous raconter, le Michel, sous un titre qui ne semble rien à voir avec Notre MARRAKECH.
 
Patience : Voici un préambule....
 
Vous avez sûrement tous vécu ce genre de désagrément. Un déménagement qui égare des papiers, des cartons de photos, des Bugs informatique qui font que votre PC ne fonctionne plus et que vous perdez une liste de contacts, des adresses d'amis que vous avez omis de noter sur le papier que vous avez perdu dans le déménagement sus cité...
Vous vous promettez de rechercher rapidement à reconstituer votre carnet d'adresses mais, le temps passe, les jours se remplacent à grande vitesse et vos amis qui, EUX, ont votre adresse ont aussi subi un problème informatique, un déménagement, une séparation, la venue de plusieurs enfants quileur bouffent le temps et surtout qui oublient de vous envoyer un courriel.
Ce n'est pas une recherche d'excuse, mais c'est ce qui m'est arrivé au cours des années passées.
Retour en arrière:
J'ai quitté Marrakech en juillet 1965, pour rejoindre la France et y retrouver un ami connu en 1964 dans les rues de cette belle ville qui nous a vu grandir. Oui, en 1964, avec ma guitare, mes cheveux que j'arrivais à garder un peu plus long que ce que mon père autorisait, mes amis, mes petites amies, mes copains de classe, mes partenaires de Rugby, les membres de notre petit orchestre,.....Oui c'est en 1964 que j'ai fait connaissance d'un beau gosse venu de France pour découvrir la grâce terrestre qu'était le MARRAKECH de ces années là. Il s'appelait Jacques... Jacques DEGENNE. Il dessinait tout ce qu'il voyait, faisait des tas de croquis, venait s'asseoir à la terrasse de la renaissance et son âme d'artiste m'avait donné envie de mieux le connaître...
 
Il a fait son année 1964-65 dans une ambiance qu'il faudrait que je vous raconte.. Mais ça on verra un peu plus tard...
 
Moi je suis parti à CASABLANCA, faire une dernière année d'étude et passer un Bac Technique Mathématique....Nous nous sommes retrouvés, Jacques et moi, lors de mes venues, en fin de semaine, chez mes parents. Ayant fait leur connaissance, il avait offert à ma maman un tableau qui se trouve certainement encore dans leur maison du Jura....
 
Il devait rentrer en France, moi je voulais y aller, pour découvrir Ma Mère Patrie et y faire mon service militaire....Nous nous sommes donnés rendez vous à Bordeaux où Jacques avait déposé, chez sa soeur, tout ce qu'il avait rapporté du Maroc. 
 
Suite d'un retour en arrière
Comment JACQUES est il rentré en France, je lui laisses la place pour vous le raconter.
 
Ma décison de rentrer en France est liée au doute qu'avait instillée dans ma tête, un peintre autrichien en vacances à la Mamounia sur la qualité de mon talent d'artiste.
Mon voyage et surtout la traverée de l'Espagne a été facilité par un amour du moment, une belle infirmière de l'Hopital de MARRAKECH qui partair à LILLE voir sa soeur.
 
Moi j'ai fait une partie du voyage en train, jusqu'à MADRID puis en stop, avec une jeune et jolie française (j'avais 19 ans et toutes les jeunes femmes m'étaient jolies) qui conduisait une décapotable et qui n'était pas rassurée de voyager seule sur les routes espagnoles. Nous avons donc cheminé de concert en trois étapes et deux nuits jusqu'à Bordeaux.
 
Nous nous sommes retrouvés Jacques et Moi et peu argentés nous avons décidé d'aller sur le bassin d'arcachon pour tenter d'y gagner un peu d'argent. A Andernos nous avons dormi sur la plage, faisant de la musique pour les touristes (féminines) qui passaient. Jacques dessinait à la craie sur les trottoirs et je massacrais quelques chansons d'Hugues Aufray sur ma 12 cordes...
 
Comment Jacques a t-il eu le renseignement, je ne le sais plus. Toujours est il qu'il a su que le camp de vacances de Montalivet qui ne s'appelait pas encore CLUB MED, mais je crois "Village de France" cherchait des saisonniers. Vu notre dégaine d'artistes soixantehuitards avant la lettre, nous avons été engagé tout de suite....Jacques a tout de suite pris la responsabilité de la fabrication  des décors du club et moi, je suis passé de responsable d'un ilôt de tentes et de bungalows (c'est à dire, veiller à ce que les vacanciers aient tout ce dont ils avaient besoin), à employé à la cuisine où nous préparions des centaines de repas servis en plats de 8 personnes et quelques soirées où j'ai assuré l'animation. Entre temps, Jacques faisait dans la journée des décors pour les différentes activités du soir ou de l'après midi : pétanque, volley ball, etc, etc.... comme dans un club de vacances quoi!
 
Nous avons tout les deux fait connaissance de deux belles, intelligentes, sensuelles et sympathiques "Gentilles Organisatrices", prénommées toutes deux ALINE. Au bout d'un mois et demi, j'ai quitté le club avec "mon Aline" et nous avons passé quelques jours à BORDEAUX, dans son studio.
 
Jacques lui a continué sa route avec son Aline avec qui il vit encore aujourd'hui dans le sud de la France et que j'ai été pleinement heureux de retrouver au téléphone....
Retrouvailles
Et oui, vous avez bien lu : Retrouvailles. En faisant du rangement dans plusieurs porte documents retrouvés au fond d'une armoire, je suis tombé sur un petit carnet d'adresses. Le vieux carnet retrouvé du titre.
En le feuilletant, je vois une adresse E.Mail enregistrée sous ALINE....
"Bon et ben on va tenter d'envoyer un mail à cette adresse" me suis je dit. Aussitôt dit aussitôt fait, la réponse est arrivée très rapidement.
Merci pour ce message, mais ma mémoire est déficiente. Pourriez-vous (ou tu!) me dire de qui exactement vient ce mail si aimable?
Merci de nous répondre. Jacques et Aline".
 
J'étais donc sur que c'étaient bien eux, mes amis de 1965....
Téléphone, courriel, re téléphone et nous avons retracer un parcours de vacances qui datait de 48 ans. Avec un plaisir immense, vous vous en doutez, vous amis qui comme moi avez cherché les vôtres par l'intermédiaire du Blog.
Jacques m'a raconté son parcours et surtout ma redonné en détails son année à Marrakech.
"Tu sais, Michel, j'ai même écrit un petit livre retraçant mon séjour au Maroc et il est illustré par des croquis, des dessins de là bas".
" Oh Jacques se serait bien si je pouvais en parler sur le Blog.."
 
"Et bien je vais te l'envoyer et tu en feras ce que tu veux!"
 
Quelques jours après, un colis arrivait en Allemagne avec un livre, "MARRAKECH ou la grâce terrestre" , des reproductions de ses tableaux d'alors et de la documentation...
J'ai pris le temps de tout scanner, recadrer, et en préparer l'édition que je vous fait aujourd'hui.
 
Ce n'est pas un SCHKOUN quelque chose, ni un MAN ANA, ni non plus un WER BIN ICH ? mais quelques pages qui rappellerons bien des souvenirs à vous mes amis , amoureux de Marrakech et que nous offre Jacques DEGENNE.

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Pour ceux d'entres vous qui l'aurai connu dans ces années à Marrakech, j'ai une photo de l'artiste qui était mon ami que je viens de retrouver et qui le restera.

jacques degenne


Je le remercie ici, de nous avoir fait partager, son récit et ses oeuvres.

Tout ce qui nous ramène au Marrakech de nos jeunes années est pour moi un plaisir à éditer et à vous faire partager.

Je tiens à m'excuser auprès de notre "autre ami JACQUES". J'ai interrompu le récit de son MAN ANA, mais je reviendrais la semaine prochaine pour vous offrir la suite.

Le temps semble commencer à s'améliorer et nous pouvons peut être compter sur deux trois jours de beau temps. C'est en tout cas ce que je nous souhaite.

Bonne santé à tous, votre toujours MICHEL

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9 juin 2013

MAN ANA 10

Voila, nous sommes en Juin. Comme vous le savez j'écris cet article le 21 mai. donc je ne sais pas encore sous quel soleil je vais vous rencontrer... Peut être qu'entre temps j'aurais eu d'autres choses à vous dire..Inch'Allah.

La semaine qui arrive doit nous apporter la visite de ma belle famille et nous allons, mon épouse et moi, fêter un de nos nombreux anniversaires de mariage... Je devrais aussi devenir de nouveau Grand père, ou peut être le suis je déjà! Mais ça je vous en parlerais plus en détail lorsque la date sera passée....

En attendant continuons à nous divertir tout en nous instruisant avec le déroulement de la vie de Jacques et de sa famille à MARRAKECH et dans ses environs....avec un titre qui nous met l'eau à la bouche.

Jacques.... à toi la place.

 

Foie gras sous les palmiers

 

Nous avons vite abandonné le rituel du Noël en famille, au coin de la cheminée (car il y en avait une à l'appartement), pour des situations plus exotiques. Les noëls sous la tente nous évitèrent le mal au crâne le matin, les huîtres pas assez fraîches ou les dindes rôties, étouffantes à manger car trop sèches.

Comme noëls, je garde le souvenir d'un à Tan-Tan, que nous n'avons même pas célébré tant nous étions tendus à la perspective de l'aventure qui nous attendait en 1965, rallier Tarfaya. 

Je garde aussi le souvenir d'un autre Noël avec Letan, aux mines d'Igherm où il travaillait. Les mines sont en général perdues au fin fond du bled, mais les personnes qui y résident à demeure s'arrangent pour avoir un minimum de confort. Souvent autour d'une cantine, des tables en terrasse, club de boules, voire court de tennis éclairé la nuit car das certains endroits il fait bien trop chaud en été pour avoir une activité physique diurne. Nous avons visité beaucoup de ces mines perdues (Igherm, Bou Azzer, Bou Tazoult, Azgour), certaines fermées pour cause de rentabilité incertaine (Tiouit). Notre curiosité scientifique nous fit visiter nombre de gisements, rencontrer nombre de cadres, dont certains avaient leurs enfants en pensionnat à Marrakech, au Lycée Victor Hugo.

 Un souvenir particulier est associé à la venue d'amis de longue date du paternel, médecins de Bayonne que Papa avait connu dans sa période pyrénéenne et qu'il continuait de voir régulièrement. Bien qu'ayant les moyens de s'offrir des voyages prestigieux, ils aimaient bien le côté aventure de nos périples, et les rencontres insolites que nous pouvions faire à ces occasions. Ils étaient déjà venus, et, enchantés par leur première aventure, décidèrent de revenir. 

Ils vinrent accompagnés d'amis pharmaciens, et nous retrouvâmes nos amis Letan pour un voyage dans le sud. Pour la circonstance, nous avions loué une seconde Land-Rover qui ressemblait à la notre, et Letan suivait avec son increvable ID. 

Récupération des touristes à l'aéroport d'Agadir par le Paternel, puis en route vers la SATAS où nous prîmes livraison du véhicule de location. A cette époque, le 4x4 de location n'était pas vraiment entré dans les moeurs, et il nous avait fallu batailler pour louer une Land-Rover. Les pistes que nous envisagions d'emprunter ne permettaient pas d'utiliser un Combi Volkswagen, comme au voyage précédent. 

Une fois maîtrisé le freinage approximatif de l'engin (il « suffisait » de pomper un peu) nous prîmes la direction du sud. Arrêt chez le boulanger d'Ait Melloul, à la sortie d'Agadir (Agadir était encore en train de se remettre du séisme qui l'avait détruit), puis direction Bou Izakarn, et Foum el Hassane. De là, cap sur Assa puis plein sud vers le Dra et Touizgui Remz. Notre but était de profiter du dessin de la frontière qui à cet endroit là avait subi une rectification suite à la bataille de Tarfaya de 1958 : comme au bon temps du colonialisme, une nouvelle frontière avait été tracée à la règle dans le cadre d'un traité de paix. La frontière sud du Maroc n'était plus le Dra, mais, à partir de cet endroit-là, le parallèle 27°30. Tout ce terrain désertique s'offrait à notre soif d'exploration. 

Le soir de Noël, nous voici donc sur le Dra, un peu avant Touizgui Remz. Les tentes sont dressées, les voitures à côté, et les femmes nous annoncent qu'elles s'occupent de la nourriture. Elles plongent dans les volumineux bagages apportés de France, fouillent et refouillent et finalement, après un temps certain, nous signalent que c'est prêt. Nous quittons le feu autour duquel nous discutions de l'itinéraire du lendemain, et avons la surprise de découvrir, au lieu de traditionnel menu potage en sachet – boîte de conserve -  fromage – fruit, un repas du Sud-Ouest avec foie gras, confit de canard et bûche de Noël ! Pour une surprise, ce fut une surprise. Il est vraisemblable que les palmiers n'avaient jamais vu de spectacle de ce type : des convives assis sur de petits coussins en mousse autour de la nappe en toile cirée étalée sur le sable, un sapin de noël de poche dressé au milieu, et en train de déguster les productions des palmipèdes gras. Pour nous aussi, réveillonner de la sorte au milieu des tamaris et des palmiers eut une résonance particulière, nous permettant de mesurer l'écart entre nos habitudes de vie et la sophistication festive en France. Vaisselle expédiée, au lit pas trop tard. La nuit fut relativement douce. Relativement, car souvent près de l'Atlas il faisait très froid la nuit et nos duvets s'avéraient parfois limites, sauf celui de Papa qui était un duvet de haute montagne garni de plumettes d'oie. 

Le lendemain, reprise vers le Sud jusqu'au poste de contrôle de Touizgui Remz. Poste militaire, comme il en existait de nombreux dans le Sud du Maroc. Une activité de déstabilisation existait, une opposition était muselée, certains bordj dans des endroits reculés étaient des zones dont il ne fallait pas s'approcher. 

Le Sud du Maroc côtoyait l'Algérie, et des conflits avaient déjà eu lieu entre ces deux nations. Le Sud-Ouest jouxtait le « Rio de Oro », le Sahara espagnol, sur lequel la dynastie Alaouite avait des prétentions historiques. A la limite de l'Algérie et du Sahara Espagnol, cette région était étroitement surveillée. 

Une fois la qualité des voyageurs vérifiée (un professeur, un ingénieur, un docteur, un pharmacien, cela faisait quand même sérieux et pas trop agent secret), un laissez-passer nous fut délivré jusqu'au poste suivant de Mseied. 

On peut s'étonner de telles tracasseries administratives, mais il faut bien réaliser qu'il y avait environ deux cents kilomètres de désert sans âme qui vive ou presque entre ces deux localités, et que les autorités ne souhaitaient pas devoir intervenir pour nous prêter assistance. Pas de panneaux indicateurs, pas de téléphone, une boussole pour se guider... Pas question d'être dépendants malgré cette situation délicate. Cela a d'ailleurs toujours été notre attitude, héritée de longues années de pyrénéisme : ne jamais dépendre des autres pour se sortir d'une situation difficile. 

L'autonomie en eau et essence ayant été jugée suffisante, nos trois véhicules franchirent la barrière faite d'un tuyau métallique reposant sur quelques pierres, et nous nous engageâmes sur la piste, en ayant comme consigne de tourner à droite vers Mseied dans quatre ou six kilomètres et non de continuer tout droit vers Zag, poste complètement perdu, le dernier avant l'Algérie ou le Rio de Oro suivant que l'on appuyait un peu à gauche ou à droite après. 

Sur l'itinéraire suivi, nous continuâmes nos recherches pré, pro et historiques. Nous longions le Dra côté sud, sur sa rive gauche. Un plateau calcaire entaillé laissait apercevoir un vaste lit argilo-sableux, sans trace d'eau. Il devait toutefois y en avoir en dessous, puisque nous identifions çà et là des tamaris ou des palmiers.

Au débouché sur un des bords de cette élévation qui ne devait pas excéder deux mètres, nous découvrîmes sous nos pieds une « zriba ». 

La Zriba, c'est un enclos défendu en général par des épineux (le jujubier le plus souvent, dont les épines sont redoutables), qui contient des bêtes ou les empêche au contraire d'accéder quelque part. 

Cet endroit étant relativement ombragé par une plaque rocheuse, nous pensions que des animaux y avaient été parqués lors de fortes chaleurs par quelques nomades R'guibat dont la tente (la raïma) aurait été implantée à proximité. En nous approchant, nous découvrîmes le corps momifié par la sécheresse d'une femme dans ses habits caractéristiques. Nous prîmes alors conscience de l'âpreté de ce désert, où à quelques mètres de la route quelqu'un était mort, de soif vraisemblablement. Il n'avait pas été jugé utile de l'ensevelir, on ne sait pourquoi. Bergère gardant un troupeau qui « paissait » dans le lit du Dra ? Voyageuse égarée assommée par le soleil un jour d'été ? La mort dans le désert est une des manifestations de la vie que l'on y rencontre. 

Notre ami médecin, lui-même habitué, fut saisi par la violence de ce spectacle. 

Nous reprîmes notre route vers Mseied où le contrôle de sortie de la zone dangereuse fut rondement mené. 

Nous étions à côté de Tan Tan en début de soirée, et nous bivouaquâmes non loin de la ville, près de tentes de nomades qui respectèrent notre campement de façon royale. 

Le lendemain, nous fîmes nos emplettes à Tan-Tan ; essentiellement une paire de Talkie-Walkie japonais dotés d'une portée conséquente, dont la possession était bien entendu interdite au Maroc du fait de suspicions permanentes de complot. Mais cela nous semblait un élément de sécurité supplémentaire qui pourrait se révéler appréciable en cas de difficulté dans les régions de plus en plus sauvages dans lesquelles nous nous aventurions. 

Le retour se fit vers Marrakech, puis de Marrakech nous repartîmes avec la jeep de location jusqu'à l'aérodrome de Casablanca-Nouacer, où tout le groupe reprit l'avion sur Bordeaux. Le décalage entre le véhicule couvert de poussière, les valises et sacs que nous en extirpions et le défilé de voitures sophistiquées d'où sortaient des personnes élégamment vêtues fut assez saisissant. L'avion était encore un moyen de transport pour privilégiés, à l'époque.

 Voici encore un récit digne des meilleurs aventuriers. Je regrette d'avoir quitté trop tôt le Maroc et de n'avoir pu, comme Jacques et ses parents, vivre ce genre d'aventures. Il faut dire que mon père faisant régulièrement ces voyages dans le sud pour son travail (Vous vous souvenez de cette photo de lui et de sa voiture sur une de ces pistes du désert marocain) n'avait pas le réflexe de nous les faire partager. Le plus loin où il m'a emmener avec lui et Ourzazate et Zagora....Donc remercions encore Notre ami JACQUES pour son sens du récit, précis, documenté et souvent drôle....

Que le soleil soit avec vous... Votre toujours MICHEL

2 juin 2013

MAN ANA 9

Chers Blogueurs et amis, voici le deuxième essai d'article préprogrammé. Bien sûr, cela ne doit pas vous empécher de continuer à laisser des commentaires et surtout à m'envoyer "du grain à moudre". Car vous le savez, je tiens un blog sur nos jeunes années marrakchies depuis déjà très longtemsp et je vous ai raconté en large, en long et même en travers, tout ce que je pouvais vous avouer (Il reste toujours un "coté sombre" que je garderais pour moi...Cela risquerait de TROP vous intéresser)...

C'est donc à JACQUES que je laisse la place avec un nouveau chapitre de son MAN ANA....

 

La nouvelle Land-Rover

 

L'appel du sud était fort. Papa rendait souvent visite à ses amis Landau, dorénavant à Agadir. C'est grâce à eux qu'il avait été amené à venir au Maroc. Après un détour par le Liban, ils avaient finir par revenir au Maroc. André (on a toujours dit Dédé) était un grand chasseur, amateur de virées dans le sud aussi. Il avait acheté à la SATAS (Société Anonyme des Transports du Souss) une Land-Rover 109, châssis long, avec de surcroît un moteur 6 cylindres qui donnait une bonne agilité à ce véhicule pourtant imposant, bien que ne mesurant que 4,45 m. Mais ses formes carrées alliées à une largeur de 1,70 m lui donnaient une habitabilité conséquente. 

Dédé avait immédiatement fait entrer le véhicule au lycée technique d'Agadir, et il l'avait confié aux mains expertes des mécaniciens de la section auto. Une des ses modifications, et non des moindres, fut de remplacer la banquette avant par une paire de sièges extraits d'une R 16 TS (le modèle de luxe que l'on pouvait avoir au Maroc) en similicuir. Un petit râtelier pour les armes de chasse, un second réservoir d'essence, un aménagement pour dormir, et il était prêt à partir en raid à tout bout de champ. 

Papa voulut la même, et quelque temps plus tard, la SATAS vendit une deuxième Land-Rover de ce type, aménagée pour le transport des touristes : 8 places pour des passagers à l'arrière, toit rehaussé semi métallique, dont les côtés en toile se relevaient pour laisser la vue vers le paysage et accessoirement permettre aux touristes de goûter la poussière, et énorme galerie pour charger bagages et provisions. Le nombre de passagers était le principal critère pour une entreprise de transport de voyageurs.

Les autres modifications étaient la taille des pneumatiques, énormes et de type « poids lourds », et l'adjonction d'antibrouillards (ridicules) et de supports de jerrycans à l'avant, sur le pare-chocs.

La roue de secours, d'un poids confortable, quittait l'habitacle pour venir sur le capot, ce qui rendait la conduite sur petit chemin montagneux délicate du fait du manque de visibilité. Mais quel gain de place à l'arrière, nous qui avions souffert d'être entassés dans la land châssis court, assis en vis-à-vis  sur des coussins jetés sur le banc en aluminium de la caisse, et rangeant nos jambes entre les paniers du pique nique que nous laissions en surface en prévision du midi ! Là, nous trouvâmes de confortables sièges rembourrés avec accoudoirs, même s'ils étaient toujours en position latérale par rapport à la marche du véhicule. 

Nous effectuâmes le voyage inaugural de cette nouvelle voiture avec Lescure, un collègue enseignant de français, un collègue professeur marocain et Simoneau, professeur d'histoire géographie qui était un éminent préhistorien et passait ses loisirs à arpenter le bled à la recherche de sites rupestres. Il en découvrit une belle quantité, et son nom est largement associé à la préhistoire marocaine.

 Ce voyage-ci, nous avions le côté culturel, et le côté humaniste car Lescure qui parlait et écrivait l'arabe couramment, était féru d'histoire et de civilisation marocaine. 

Nous partîmes d'Agadir, où nous prîmes livraison de la Land-Rover, puis roulâmes  vers les sites rupestres d'Akka et de Tata. 

La prospection se faisait de façon approximative, mais la cartographie au 1/25000 n'était pas disponible au Maroc, les vues aériennes classées « secret militaire ». Nous avions de vieilles cartes au 1/100 000 héritées d'un cabinet d'architectes du bâtiment et des travaux publics qui avait amassé toute la couverture du sud marocain en cartes réalisées lors du protectorat. Cartes qui nous faisaient rêver par des zones blanches marquées « zone non cartographiée ». Les cartes se faisant le plus souvent à partir du terrain et non par imagerie aérienne stéréoscopique et photo interprétation, ces zones illustraient le travail des cartographes, militaires le plus souvent, qui avaient arpenté le pays pour donner une image fidèle de son relief. 

Nous repérions une crête rocheuse avec des faces à peu près plates, nous arrêtions le véhicule et nous parcourions alors les rochers à la recherche du quelque trace d'artefact. Nous avons ainsi trouvé quelques gravures, rapidement photographiées et reportées sur une carte et un petit carnet. Avec eux, nous apprîmes à identifier des meules dormantes et autres polissoirs, abandonnés par des habitants du néolithique voici quelques milliers d'années et restés en plan sur le sol. Nous avons ramené quelques polissoirs et meules, mais nous avons toujours laissé les gravures sur place, conscients du fait que tôt ou tard, il se trouverait des gens pour les revendre à des amateurs collectionneurs d'antiquités.

 Cela s'appelle du pillage, et cela caractérise aussi, hélas, la plupart des sites archéologiques. 

Nous tenions cependant à essayer de garder au moins une image  de ces chefs-d'oeuvre, et nous relevions consciencieusement sur les pierres les gravures d'animaux de la savane très stylisés, d'inspiration saharienne et au trait fin, et des gravures plus récentes, au trait ou piquetées suivant la nature de la roche, d'animaux et d'hommes associés à des chars. Les chars des Garamantes, ces ancêtres des touareg, qui régnaient sur le désert avant le christianisme, et avec qui commerçaient les romains, quand le Sahara était fertile. C'était il y a bien longtemps. 

Lescure nous initia à la pratique du chèche. Le chèche, c'est cette longue bande de tissu qui est entortillée autour de la tête pour se protéger du soleil. En fait, c'est un peu plus compliqué que cela. D'abord parce qu'un chèche, c'est aussi une coiffure sociale. Si un descendant d'esclaves a un tout petit chèche (mettons 2 mètres), les grands chefs ont le privilège de porter un chèche dont la longueur peut atteindre huit mètres. Il permet alors un drapé sophistiqué, conférant à celui qui le porte une allure de noblesse. 

L'utilité du chèche est multiple. Il protège du soleil, c'est évident, en ce qui concerne le rayonnement direct. Car contrairement à ce que nous faisons au moindre rayon de soleil dans nos pays tempérés, il ne faut surtout pas trop se découvrir dans un pays très chaud et sec comme le Sahara. Sans exagérer, des vêtements amples et légers (gandoura en cotonnade, sarouel – très à la mode en ce moment) protègent de la chaleur excessive et limitent les pertes hydriques (transpiration). Porter sa boisson est toujours un problème du fait que l'eau pèse, et qu'elle est indispensable. Pour l'économiser, mieux vaut donc éviter de la consommer. En résumé, celui qui est torse nu, en short et tongs avec sa bouteille d'eau à la main, c'est le touriste. Le local est de préférence bien habillé et à l'ombre du palmier. Il attendra le soir pour boire un thé à la menthe. On le taxera de paresseux, mais en terme de développement durable, c'est lui qui est dans le vrai.

Le chèche sert aussi à protéger les lèvres de la sécheresse ambiante. Il suffit de le remonter sur le nez. On peut ainsi se passer de baume à lèvres. En en recouvrant les yeux, comme il s'agit d'un coton aéré de couleur sombre, on invente les lunettes de soleil. En cas de vent de sable, enfin, il évite d'avoir la peau du visage passée au papier de verre et le yeux et la bouche pleins de sable.

 Voilà pour la partie « été ». En cas de fraîcheur, il joue le rôle de bonnet. Enfin, dans un pays où l'eau est parfois difficile d'accès, il permet de filtrer les plus grosses particules de ce que l'on va boire. Utile s'il s'agit d'un fond d'oued boueux. 

Autant dire que nous fûmes conquis par la polyvalence du chèche, et qu'au premier souk venu, je me ravitaillai en cotonnade noire ad hoc, que je conservai plusieurs années. 

Nous marchâmes beaucoup ces vacances là, Simoneau étant un grand coureur de désert. Chapeau, veste de treillis, pantalon, chaussures de marche, appareil photo et gourde dans un petit sac, il partait suivre les crêtes que l'on voyait non loin de nous, et pouvait rester absent des heures. Sa jeep était son point de repère, et il y eut quelques fois, nous dit il, où il s'était fait quelques frayeurs n'arrivant pas à retrouver le véhicule qui contenait sa provision d'eau qui commençait à lui manquer sérieusement. A l'époque, ni GPS ni téléphone portable. 

Il ne fallait compter que sur soi-même, et sur l'hospitalité de quelques nomades que l'on pouvait parfois rencontrer. On avait l'impression qu'ils étaient dénués de tout, et portant ils nous invitaient à venir partager un thé sous leur tente, dans la plus pure tradition de l'hospitalité nomade. 

Il nous est arrivé de rendre la pareille à quelques voyageurs qui arrivaient le soir près de notre campement : ils allaient à pieds au souk vendre un chameau ou acheter quelque chose, se trouvaient à 40 km de leur destination et n'avaient que très peu d'eau et pas de nourriture. Nous leur offrions de l'eau, de quoi manger : kesra, boîte de sardines et orange. Ils passaient la nuit derrière la dune d'à côté, et au matin repartaient en nous faisant un geste large d'amitié et de remerciement. Les relations, c'est aussi simple que cela dans le désert. 

Tout le sud du pays, entre Zagora et Foum el Oued Dra, est parcouru par le l'oued Dra. Ce fleuve vient de l'Atlas, descend vers Zagora et ensuite chemine en plein désert où il disparaît complètement. 

Paradoxalement, à son embouchure, il  un débit quasi permanent bien qu'irrégulier. Ce qui se produisait à l'époque, avant la construction du barrage sur le Dra au niveau de Ouarzazate, était une inondation périodique, qui faisait apparaître en certains endroits des nappes d'eau, comme le lac Iriki entre Foum Zguid et Zagora. 

Le lit du fleuve était marqué par quelques tamaris qui profitaient de l'humidité en sous-sol. Ce lit, entre Djebel Bani au Nord et Djebel Ouarkziz au Sud, marquait la frontière floue entre le Maroc et l'Algérie. Les relations entre Algérie et Maroc étaient assez tendues à l'époque, aussi nous évitions prudemment de trop nous approcher de cette zone frontière. 

Toujours à la recherche de gravures, nous nous aventurâmes dans le lit du Dra et eûmes la surprise d'y trouver des traces d'agriculture. Les gens du coin profitaient des crues pour semer et récolter seigle, orge, avoine, blé, variétés rustiques qui réussissaient à produire quelques céréales qu'il fallait se hâter de moissonner. Nous nous rendîmes compte ainsi que ces zones n'avaient de désertique que la végétation, car elles étaient très fréquentées à cette saison. 

Un habitant du coin eut la frayeur de sa vie, car à sa rencontre Lescure commença à lui parler en arabe très littéral, que comprenait moins bien son collègue plutôt accoutumé à l'arabe urbain dialectal. Pendant qu'ils discutaient, Papa, trouvant sa tête sympathique, entreprit de le filmer avec son énorme caméra semi professionnelle. Nous vîmes qu'il devenait fort inquiet, agité et mal à l'aise, et comprîmes qu'il confondait la caméra avec son gros téléobjectif avec une arme quelconque et se demandait s'il n'allait pas rejoindre le paradis d'Allah très vite. Le malentendu dissipé, il fut des plus aimables avec nous. La télévision n'arrivait pas encore là-bas à l'époque, et les sources d'information étaient forcément limitées. Mais la caméra ne ressemblait vraiment pas à une arme. 

De retour de ces vacances, c'était clair : la Land-Rover châssis long avait plutôt un comportement de camion : reprises lentes, lourdeur, côtes à gravir en seconde... La différence de poids en plus pour un même moteur se faisait sentir. Mais nous apprécierions à l'avenir son habitabilité record et la facilité à emporter un équipement volumineux dans des conditions de confort appréciables.

 Je vous souhaite une bonne nouvelle semaine avec, si possible, une nette amélioration du temps et un peu plus de soleil...Votre toujours MICHEL

 

Notre marrakech 45-70
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