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Notre marrakech 45-70
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20 août 2012

CHKOUN, ANA Jouj

Il est temps, chers amis et lecteurs, de poursuivre  Jacques dans son récit de son arrivée à Marrakech.

Mais avant, je veux saluer et remercier les nouveaux visiteurs.

- Jacky GUINET, qui nous donne des liens pour partager ses photos, dont certaines plairont certainement beaucoup aux anciens de la BA 707....

TONY qui nous rejoint en apprenant une mauvaise nouvelle (Qui date de plus de 4 ans). Merci de ta visite et de cette piqure de rappel qui vient enrichir nos souvenir. J'en profites pour demander à Jean Marc de venir nous rendre visite sur le Blog, maintenant qu'il est de nouveau bien installé au soleil..puisque c'est lui qui nous avait appris le décès de Joseph BONASTRE, dont  tous les Oualidiens se souviennent.

Enfin, félicitations à la nouvelle grand mère, Patricia ( PAT du 69) qui semble bien fière de sa petite fille.

Voila je ne veux pas vous faire attendre plus longtemps. Vous allez pouvoir vous régaler avec le N° Jouj de CHKOUN ANA.

 

Premier contact

 

Nous arrivions quelques jours après la rentrée des classes, alors que cela avait recommencé depuis trois semaines en France, mais surtout nous n'avions aucun endroit où nous loger. Pendant quelques jours, nous allions donc résider à l'hôtel Majestic, qui devint ensuite devenu le Koutoubia. 

Tout simplement. 

C'était assez plaisant d'avoir le petit déjeuner dans la chambre et ensuite de partir vers l'école du Guéliz, toute proche, sac d'écolier à la main, sous l'oeil étonné du portier de l'hôtel. 

Il faisait encore passablement chaud pour des petits français en ce début octobre à Marrakech, et la chemisette était de rigueur alors que nous avions déjà notre petite laine à Bayonne. 

L'école me sembla facile. Venant de France, j'avais l'auréole du bon élève que je n'avais pas eu forcément l'impression d'être à Bayonne. Notre maîtresse (disait-on à l'époque) était Madame PIOT. Elle faisait aussi fonction de directrice et était suppléée par Mlle TOSTIN, une blonde et jeune institutrice qui avait parfois du mal avec les garnements que nous étions. Mais rien à voir avec ce que nous connaissons de nos jours. 

La récompense suprême était d'actionner la sonnerie électrique qui rythmait les récréations de l'école, et dont le bouton de commande se trouvait dans le bureau de la directrice. En appuyant, on libérait les élèves des autres classes, qui envahissaient la cour de récréation. Quel pouvoir que le notre, celui des élèves de CM2 ! 

L'école me changeait du préfabriqué que j'avais quitté à la cité Lahubiague. La France avait beaucoup souffert de la guerre, et était confrontée à une période de natalité galopante, le « Baby boom », dont je faisais partie. Les écoles avaient explosé, et après avoir commencé la maternelle au grand séminaire, avec des maîtresses laïques, puis emménagé dans une école maternelle toute neuve, l'accroissement des demandes de scolarisation avait amené la ville à installer des bâtiments préfabriqués cité Lahubiague, pour soulager l'école primaire que nous appelions « la grande école ». 

La cour de récréation de l'école primaire de garçons du Guéliz était close, plantée de faux poivriers et de cyprès, et comportait les salles de classe sur sa gauche quand on entrait. L'école des garçons était bien entendu différente de celle de filles, qu'il nous était interdit d'approcher. Au fond de la cour, il y avait des sanitaires et un lave-mains avec robinets à pression en laiton. Il nous était strictement interdit de nous y désaltérer quand nous avions chaud, notamment en revenant du sport : depuis qu'un certain Du Guesclin était mort en buvant à une source très fraîche après un combat acharné, tous les écoliers de France et de ses ex extensions semblaient devoir se dessécher sur place plutôt que de risquer l'apoplexie. On ne dira jamais assez combien les collégiens ont souffert du décès de Du Guesclin à Chateauneuf en Randon en 1380, mais ce qui ne présentait aucune difficulté en France, relevait de la gageure au Maroc, après le cours de gymnastique de M. NICOLI.  

De surcroît, il n'y avait pas en France de cours de sports comme ceux qui nous étaient dispensés à Marrakech. Ce fut donc la première fois que je chaussai des « baskets », que je touchai un ballon de football, alors qu'il faisait partie de l'équipement de base de l'enfant marrakchi. Et je passai pour un novice total, ce que j'étais. 

Une excuse, quand même : je n'avais jamais été doué en sport étant enfant, car affligé d'une myopie prononcée qui m'obligea à porter des lunettes dès l'âge de sept ans. Avant, je n'y voyais rien ou presque. Après, les instituteurs voulaient évidemment que je me défasse de mes lunettes pour la pratique sportive, ce qui me condamnait à ne pas voir arriver le ballon en plein sur ma tête, expérimentant ainsi le choc élastique, ou a avoir les lunettes embuées par la vapeur d'eau avant que de les voir partir en vol plané suite à un mouvement un peu brusque. Le tout sous les railleries des « musclés ». Que la vie du binoclard était dure, à l'époque !

 Notre villa

 Ensuite, bien vite, nous emménageâmes dans notre nouvelle résidence du 19 avenue Poincaré, la villa mitoyenne des BERLIOZ. 

La villa, c'était une nécessité dans la mesure où notre grand-mère allant sur ses 79 ans, restée à Bayonne, ne pouvait demeurer sans surveillance et donc devait nous rejoindre rapidement. 

Pour nous, cette villa coloniale mitoyenne fut le terrain de toutes les aventures et de toutes les nouveautés. D'abord par le jardin, bien plus étroit que celui que nous avions à Bayonne mais parsemé d'espèces florales exotiques ; la liane de Floride en particulier constituait une énorme tonnelle. Ensuite, la multiplicité des pièces ne laissait de nous étonner. 

En pleine ville, il y avait un garage, donnant sur la rue à angle droit, et derrière la maison une série de pièces habitables (avec cave de surcroît, interdite aux enfants à cause de quelques scorpions qui traînaient par là) terminant par la cuisine, le tout séparé de la villa proprement dite par une allée cimentée. Ces pièces furent immédiatement annexées par mon père pour en faire son laboratoire de photographie. Il semble que dans le temps, les domestiques y aient été hébergés, tout comme c'était le cas dans les maisons bourgeoises françaises, qui proposaient un hébergement ancillaire. 

La maison proprement dite se composait d'une entrée, avec une volée d'escaliers menant à l'étage, d'un ensemble salon-séjour séparé par un arceau sur la gauche, et sur la droite de l'entrée d'une chambre avec cabinet de toilette et penderie attenante, réservés dès le début à notre grand-mère du fait de leur situation de plain-pied.

L'étage comportait trois chambres et une salle de bains : chambre des parents, des enfants, et bureau, d'accès strictement interdit aux enfants. Mon père avait en effet besoin d'un bureau pour corriger ses copies et préparer ses cours. Ma mère, professeur de gymnastique, n'avait pas de copies à corriger.

La chambre des parents donnait sur une petite terrasse, ma foi fort agréable. L'escalier se poursuivait jusqu'à la terrasse sommitale, qui devait servir à dormir l'été quand la chaleur était trop forte. Nous n'avons jamais utilisé cette commodité, car nous retournerions en France durant les vacances d'été. Cette terrasse avait été récemment chaulée, et y pénétrer sous le soleil causait un éblouissement insoutenable et douloureux. 

La cuisine, je l'ai déjà dit, était dans un bâtiment à part. 

Le plus surprenant dans l'architecture de la maison était la présence de doubles plafonds, destinés à introduire une lame d'air isolante et éviter que la maison n'accumule la chaleur en été. Cette « architecture coloniale », se caractérisait par une approche écologique dont on pourrait tout à fait s'inspirer encore, plutôt que de recourir à la climatisation massive de maisons aux larges parois de verre, inadaptées au climat. Mais ceci est un autre débat... D'autant que ma mère, qui avait vécu à Fédala à la fin des années vingt (mon grand père allait faire fortune dans les pêcheries, pensait-il), avait identifié dans le plafond les articulations d'un « panka », volet articulé en bois léger et tissu destiné à éventer les occupants dans la pièce, et actionné non par l'électricité mais par une personne qui avait pour mission de tirer sur la corde qui l'actionnait. L'ancêtre du ventilateur, en somme. Mais depuis, la fée électricité avait fait sa révolution... 

Nous avons vécu un peu plus d'un an dans cette maison. L'avenue POINCARE était une large avenue démarrant devant la poste de Marrakech, et filant droit vers la gare puis le quartier industriel. Elle comportait une double rangée d'arbres, avait l'avantage de ne pas être très loin du Lycée HASSAN II (en fait, parallèle à la rue joignant l'entrée du Hartsi à Hassan II et passant devant les logements de fonction du lycée). Au printemps, elle s'emplissait des ouvrières qui, venant de la Médina, se rendaient au quartier industriel travailler dans les conserveries d'abricots. Le soir, les usines débauchaient toutes à la même heure, et vers six heures le flot regagnait paisiblement la Médina, passant devant nos fenêtres.

Cette année là, Mohammed V décéda. Le deuil national déclenché dans tout le pays nous incita à rester prudemment à la maison, les rues étant parcourues de cortèges vociférants, certainement pleurant le souverain déchu. Mais notre niveau d'arabe était encore bien bas, et le spectacle sur cette large avenue pleine de foule était impressionnant. C'est de cette époque que data son nouveau nom, avenue Hassan II, la tradition étant de donner le nom du souverain à une rue du temps du vivant du Roi. C'est ainsi que l'Avenue de France qui partait de l'avenue de la Ménara jusqu'à la Route de la Targa, de l'hivernage jusqu'au camp militaire, sera rebaptisée Avenue Mohammed VI dès son intronisation. 

Pour aller de la maison à l'école du Guéliz, c'était facile : il suffisait de traverser cette route, la circulation n'était pas encore pléthorique, et c'était chose aisée la plupart du temps. Sauf quand arrivaient les convois de six ou sept camions Mack transportant le minerai de manganèse de Bou Tazoult, de l'autre côté de l'Atlas, jusqu'à la gare. Ce minerai faisait d'ailleurs une partie du trajet en camion, puis traversait l'Atlas sur un téléphérique, et terminait son trajet en camion jusqu'à la gare de Marrakech où il était chargé dans des wagons ferroviaires. Puis la rue Reignaut nous faisait passer devant la petite chapelle et arriver presque directement à l'école du Gueliz, jouxtant les terrains de sport de l'ASAM. Je me rappelle particulièrement de cette rue Reignaut car il y avait à mi-longueur une chapelle, constamment fermée me semblait-il. 

Parfois, nous revenions avec les copains qui habitaient au Lycée Hassan II. Nous longions l'Avenue de Casablanca, traversions l'Avenue Hassan II au niveau du grand giratoire, et continuions tout droit dans l'Avenue de France jusqu'à apercevoir l'internat du Lycée Hassan II, où nous tournions à gauche pour rejoindre les logements. Ce parcours était souvent le lieu de disputes, complicités ou défis stupides, dont l'un, courir le plus vite possible, se solda par la perte d'une dent par l'un d'entre nous qui s'obstina à courir alors qu'il y avait devant lui un poteau téléphonique qui faisait manifestement obstacle. Ce fut le poteau qui gagna, mais, avec la plus parfaite mauvaise foi, nous fûmes accusés d'avoir blessé ce camarade et fûmes mis en quarantaine par la « bande » de l'immeuble des logements de fonction de Hassan II. 

Avec la même bande de copains fous, nous entreprîmes un après-midi de démonter une fusée de détresse. Exercice stupide s'il en est, qui fit que plus « expert » des artificiers finit par enlever la charge propulsive. La munition était alors (presque) sans danger, mais en voulant perfectionner je ne sais quel détail, je percutai l'amorce en fulminate qui éclata avec un bruit sec. Plus de peur que de mal, mais les copains me demandèrent gentiment d'aller jouer plus loin. Je gardai quand même de tout ce qui est « munitions » une méfiance certaine.

 


carte01 

 La villa Berlioz et Michel, mon frère cadet, devant. 1961

Cette maison avec son jardin nous donna à notre imagination enfantine débridée des occasions de jeux sans fin. Avec la modicité des tarifs du cinéma local, nous allions souvent au « Lux », à côté du Palace, où la place dans la série « luxe » coûtait un dirham ! Ma mère nous emmena donc souvent, mon frère et moi, voir les films programmés dans cette salle plutôt enfantine. Nous y vîmes ainsi nombre de westerns, agréables tant que les gentils cow-boys blancs massacraient les abominables indiens féroces et sanguinaires, selon le code hollywoodien, et prodigieusement ennuyeux lors des séances romancées d'amour entre le héros et l'héroïne, qui ne faisaient que délayer et affadir l'action à nos yeux de jeunes enfants. Quoiqu'il en soit, le drapeau du septième de cavalerie ne flotta pas longtemps dans le jardin de la villa, celui-ci ayant été identifié par mon père grâce aux lettres « US » peintes en rouge dessus, ce qui nous valut le commentaire : « ça planté ? Dans MON jardin ? » sans équivoque quant à ce qu'il convenait d'en faire. Le drapeau rejoignit donc le bac des accessoires inutilisables, au fond du jardin. 

Un autre film nous inspira, ce fut « Tarzan le magnifique » (1960) où le héros traversait la forêt de liane en liane. La tonnelle en liane de Floride devint bientôt la jungle africaine (la température s'en rapprochant), et, les lianes s'avérant peu propices au voyage aérien, nous en ajoutâmes des artificielles confectionnées dans des sangles hors d'usage de volets roulants. Elles étaient dépourvues de toute résistance, et malgré notre soin il nous arriva plus d'une fois de nous retrouver sur les fesses, privés en plein essor de leur soutien. Quelques ampoules aux mains et crispations des abdominaux plus tard, nous trouvâmes moins d'intérêt à ce jeu... mais fîmes des envieux parmi les voisins qui vinrent s'essayer au changement de liane en plein vol, que bien peu réussirent. On le leur avait bien dit, que c'était dur, mais bon, ils voulaient vérifier... 

Nous ne fûmes pas les seuls surpris dans ce jardin ! Nos parents se résolurent à le faire entretenir par un jardinier qui passait régulièrement prodiguer à ces plantes exotiques les soins indispensables et spécifiques dont nos parents ignoraient tout. Ma mère avait pour habitude de dialoguer comme elle le pouvait avec le jardinier, se faisant parfois aider de 'Chouma, notre bonne de la première heure que nous garderions pas loin de douze ans. Elle avait ainsi appris à demander des fleurs « meziane », c'est à dire bonnes. Elle pensait décoratives, bien sûr et le jardinier s'activa pendant plusieurs semaines sur un parterre de plantes en devenir, dont il nous disait qu'elles seraient « meziane ». Ma mère, étonnée de la culture de cette variété, lui en demanda le nom et obtint en réponse « souled ».Au bout de quelques semaines, la vérité se fit jour : les plantes que cultivait avec amour notre jardinier étaient des... laitues. Effectivement, elles furent très bonnes. Très « meziane ». Dès lors, ma mère baptisa le jardinier « souled », et je ne me rappelle plus que de ce nom là en ce qui le concerne.

Il vous faudra, maintenant attendre quelques jours pour lire le N° Trois... En attendant je vous souhaite une bonne semaine.

Votre TOUJOURS MICHEL

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