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Notre marrakech 45-70
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26 mai 2013

MAN ANA8

Chers amis lecteurs, bonjour. Pour combattre mes absences, je vais préparer plusieurs chapitres du récit de notre ami JACQUES et, grâce à CANALBLOG je vais les programmer pour qu'ils paraissent plus régulièrement qu' à présent....

Lorsque j'aurais de nouvelles photos à vous montrer ou des informations à partager avec vous, j'insérerais de nouveaux articles. Ainsi vous ne serez plus trop longtemps sans lecture...

Voici donc le premier de ces articles préprogrammés

 

Pâques : Henri et la savonnette

 

Maman nous avait quittés. Je revins en France poursuivre mes études et Papa et mon frère Michel restèrent seuls dans l'appartement du la rue Lamure. La solidarité des amis marrakchis fut réelle, celle des amis de France aussi.

 C'est ainsi que Henri et sa femme Geneviève, amis de longue date des parents,  nous rendirent visite pour pâques,et que Papa concocta un petit tour dans le sud, avec camping sous la tente. Nous serions accompagnés par nos amis Raballand, à quatre dans leur increvable 4L. 

Cette équipée passa par le Djebel Sarho, avant de rejoindre Alnif puis Zagora par une piste épouvantable, au travers des contreforts de l'Atlas. 

C'était le rythme habituel de ces balades, véritables méharées mécaniques, quelques kilomètres en voiture puis arrêt pour photographier un site, une activité, discuter avec des gens au bord de la piste. Le convoi de deux véhicules marquait sa progression par un double nuage de poussière, et cette année là le temps fut relativement clément pour pâques : pas trop chaud, un beau ciel bleu. 

Le camping du soir se faisait dans un coin dégagé, loin des habitations, parfois à côté de tentes de nomades qui nous rendaient visite mais respectaient parfaitement notre intimité, dans la mesure où nous avions adopté un mode de vie voisin du leur encore que bien plus moderne. Il ne nous fallait que quinze minutes pour monter ou démonter la tente, et en trente minutes le camp était dressé ou levé. 

Le matin, c'était le réveil, il faisait assez frais donc on sautait dans pantalon et pull, on enfilait le blouson, puis avec les premiers rayons de soleil on commençait à de découvrir. Le petit déjeuner était constitué de pain-beurre avec café au lait. Entendez par là tranche de kesra dont nous faisions régulièrement emplette sur les souks, beurre conservé tant bien que mal dans une boîte étanche (au matin, il était de nouveau solide) et confiture le plus souvent d'abricots Aïcha, petit pot refermé avec un sac plastique maintenu par un élastique.

Outre que le verre était plus lourd, il était très fragile et dans une véhicule tout-terrains aussi bien suspendu qu'une Land-Rover, conserver du verre intact s'avérait hasardeux. Le café était soluble et le lait était du lait concentré non sucré en boîte « la petite hollandaise », marque que nous trouvions à l'époque au Maroc. Une boîte par petit déjeuner. Il ne s'agissait pas tant de gagner du poids que de conserver les aliments sans réfrigérateur . Nous trouvions assez facilement de l'eau, aussi un jerrycan de 20 litres suffisait-il. Nous avions par contre un jerrycan de 10 litres de vin rempli chez le caviste du coin (on ne concevait pas le voyage sans vin à l'époque). 

Ensuite, la nourriture était un mélange de fruits et légumes (tomates, oranges) et de boîtes de conserves. Souvent thon, sardines, maquereaux et pâté le midi. Plus rarement pâté toutefois, car c'était une denrée de luxe, souvent importée, le Maroc, pays musulman, ne produisant et ne consommant que peu de porc. 

Le soir, c'était un potage en sachet, suivi d'une boîte de conserves (cassoulet, ravioli, choucroute) et d'un fruit. 

J'oubliais le fromage ! Vache qui rit ou boule de fromage hollandais. En tout début de voyage, c'était la course avec le camembert : il s'agissait de le finir avent que son odeur ne devienne insoutenable. 

Cela peut paraître invraisemblable de vivre dans cette absence de confort, amis cela faisait partie du charme de ces balades, et à l'époque où l'on croule sous les restaurations rapides ou lentes sous toutes leurs formes, animées par des ambiances musicales ou sonores continues, à la porte de supermarchés regorgeant de victuailles, on imagine mal le bonheur de savourer son sandwich thon à la sévillane – kesra assis sur une pierre en plein désert, au milieu de rien, environné du silence. 

Ce qui ne nous empêchait pas de temps en temps de descendre dans un caouaggi, ces cafés qui proposent des tajines cuisinés le long des routes ou dans les villages, et de savourer un repas traditionnel marocain. Il y en avait d'excellents, d'autres plus particuliers et notre père nous raconta le repas qu'il avait fait lors d'une de ses virées à Tazarine, quelques légumes autour d'une rotule de chameau, une viande tellement dure que ni lui ni ses compagnons n'avaient pas été capables de la détacher des os.

De cette époque, j'ai toujours gardé le goût du bruit de la nature. Même en plein désert, écouter le silence, en fait le bruit du vent, le bruissement des ailes d'un oiseau si l'on était près d'une guelta, ces mares plus ou moins temporaires, est un bonheur. On rencontre de nos jours de gens bardés d'écouteurs auriculaires reliés à un téléphone portable aux multiples fonctionnalités sonores, mais je me pose souvent la question : ces gens-là sont-ils capables encore d'écouter la nature ? « Je m'ennuie si je n'ai pas de musique », me répondent les sportifs qui font leur footing d'entrainement. C'est peut-être dommage, de se passer ainsi de son imagination... 

C'était tout ce dépaysement, que nous proposions à Henri et Geneviève cette année là. Ils disposaient de situations enviées, mais le fait de quitter Paris et de se plonger au coeur de ce présahara marocain leur fut une véritable aventure. 

Bientôt, fleuriraient les catalogues touristiques d'agences spécialisées dans les voyages d'exploration. De nos jours, vous avez le choix, de la traversée du Hoggar en dromadaire (avec visite des sites de gravures rupestres et repas sous la tente targuie) à la balade en Antarctique. L'aventure avec Europe Assistance, ce n'est plus l'aventure, et on l'oublie très vite. Jusqu'à ce qu'un volcan vous rappelle que traverser la moitié du monde pour passer une semaine dans un hôtel en bord de mer c'est aussi une performance.

 Dans ce genre de virée, l'autonomie était primordiale. Et avec elle, se posait le problème de la consommation de l'eau. Pas question de la gaspiller, en particulier parce qu'il était difficile d'en faire suivre de grandes quantités dans une Land-Rover châssis court, d'autant qu'un litre d'eau pèse un kilo. Il fallait boire, faire la vaisselle et se laver avec le minimum. J'arrivais à consommer pour la toilette un demi verre d'eau par jour (pour se brosser les dents). C'était succinct, mais le grand air permettait de ne pas trop souffrir du voisinage des uns et des autres, et le retour à la civilisation était suivi de longues tractations pour savoir qui occuperait la salle de bains le premier. 

Nous consentions cependant de grands sacrifices pour que ces dames puissent rester élégantes, et leur consommation d'eau était nettement supérieure. 

Lors de ce voyage, Geneviève prit l'habitude de s'éclipser le matin vers un groupe de palmier ou de rochers susceptible de lui laisser un peu d'intimité. Mais la vérité m'oblige à relater que plusieurs fois elle demanda à son mari de lui apporter la savonnette qu'elle avait oublié à la tente. « Passe moi la savonnette », criait-elle. Et le passage de la savonnette durait... une bonne demi heure !

 

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