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Notre marrakech 45-70
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2 juin 2013

MAN ANA 9

Chers Blogueurs et amis, voici le deuxième essai d'article préprogrammé. Bien sûr, cela ne doit pas vous empécher de continuer à laisser des commentaires et surtout à m'envoyer "du grain à moudre". Car vous le savez, je tiens un blog sur nos jeunes années marrakchies depuis déjà très longtemsp et je vous ai raconté en large, en long et même en travers, tout ce que je pouvais vous avouer (Il reste toujours un "coté sombre" que je garderais pour moi...Cela risquerait de TROP vous intéresser)...

C'est donc à JACQUES que je laisse la place avec un nouveau chapitre de son MAN ANA....

 

La nouvelle Land-Rover

 

L'appel du sud était fort. Papa rendait souvent visite à ses amis Landau, dorénavant à Agadir. C'est grâce à eux qu'il avait été amené à venir au Maroc. Après un détour par le Liban, ils avaient finir par revenir au Maroc. André (on a toujours dit Dédé) était un grand chasseur, amateur de virées dans le sud aussi. Il avait acheté à la SATAS (Société Anonyme des Transports du Souss) une Land-Rover 109, châssis long, avec de surcroît un moteur 6 cylindres qui donnait une bonne agilité à ce véhicule pourtant imposant, bien que ne mesurant que 4,45 m. Mais ses formes carrées alliées à une largeur de 1,70 m lui donnaient une habitabilité conséquente. 

Dédé avait immédiatement fait entrer le véhicule au lycée technique d'Agadir, et il l'avait confié aux mains expertes des mécaniciens de la section auto. Une des ses modifications, et non des moindres, fut de remplacer la banquette avant par une paire de sièges extraits d'une R 16 TS (le modèle de luxe que l'on pouvait avoir au Maroc) en similicuir. Un petit râtelier pour les armes de chasse, un second réservoir d'essence, un aménagement pour dormir, et il était prêt à partir en raid à tout bout de champ. 

Papa voulut la même, et quelque temps plus tard, la SATAS vendit une deuxième Land-Rover de ce type, aménagée pour le transport des touristes : 8 places pour des passagers à l'arrière, toit rehaussé semi métallique, dont les côtés en toile se relevaient pour laisser la vue vers le paysage et accessoirement permettre aux touristes de goûter la poussière, et énorme galerie pour charger bagages et provisions. Le nombre de passagers était le principal critère pour une entreprise de transport de voyageurs.

Les autres modifications étaient la taille des pneumatiques, énormes et de type « poids lourds », et l'adjonction d'antibrouillards (ridicules) et de supports de jerrycans à l'avant, sur le pare-chocs.

La roue de secours, d'un poids confortable, quittait l'habitacle pour venir sur le capot, ce qui rendait la conduite sur petit chemin montagneux délicate du fait du manque de visibilité. Mais quel gain de place à l'arrière, nous qui avions souffert d'être entassés dans la land châssis court, assis en vis-à-vis  sur des coussins jetés sur le banc en aluminium de la caisse, et rangeant nos jambes entre les paniers du pique nique que nous laissions en surface en prévision du midi ! Là, nous trouvâmes de confortables sièges rembourrés avec accoudoirs, même s'ils étaient toujours en position latérale par rapport à la marche du véhicule. 

Nous effectuâmes le voyage inaugural de cette nouvelle voiture avec Lescure, un collègue enseignant de français, un collègue professeur marocain et Simoneau, professeur d'histoire géographie qui était un éminent préhistorien et passait ses loisirs à arpenter le bled à la recherche de sites rupestres. Il en découvrit une belle quantité, et son nom est largement associé à la préhistoire marocaine.

 Ce voyage-ci, nous avions le côté culturel, et le côté humaniste car Lescure qui parlait et écrivait l'arabe couramment, était féru d'histoire et de civilisation marocaine. 

Nous partîmes d'Agadir, où nous prîmes livraison de la Land-Rover, puis roulâmes  vers les sites rupestres d'Akka et de Tata. 

La prospection se faisait de façon approximative, mais la cartographie au 1/25000 n'était pas disponible au Maroc, les vues aériennes classées « secret militaire ». Nous avions de vieilles cartes au 1/100 000 héritées d'un cabinet d'architectes du bâtiment et des travaux publics qui avait amassé toute la couverture du sud marocain en cartes réalisées lors du protectorat. Cartes qui nous faisaient rêver par des zones blanches marquées « zone non cartographiée ». Les cartes se faisant le plus souvent à partir du terrain et non par imagerie aérienne stéréoscopique et photo interprétation, ces zones illustraient le travail des cartographes, militaires le plus souvent, qui avaient arpenté le pays pour donner une image fidèle de son relief. 

Nous repérions une crête rocheuse avec des faces à peu près plates, nous arrêtions le véhicule et nous parcourions alors les rochers à la recherche du quelque trace d'artefact. Nous avons ainsi trouvé quelques gravures, rapidement photographiées et reportées sur une carte et un petit carnet. Avec eux, nous apprîmes à identifier des meules dormantes et autres polissoirs, abandonnés par des habitants du néolithique voici quelques milliers d'années et restés en plan sur le sol. Nous avons ramené quelques polissoirs et meules, mais nous avons toujours laissé les gravures sur place, conscients du fait que tôt ou tard, il se trouverait des gens pour les revendre à des amateurs collectionneurs d'antiquités.

 Cela s'appelle du pillage, et cela caractérise aussi, hélas, la plupart des sites archéologiques. 

Nous tenions cependant à essayer de garder au moins une image  de ces chefs-d'oeuvre, et nous relevions consciencieusement sur les pierres les gravures d'animaux de la savane très stylisés, d'inspiration saharienne et au trait fin, et des gravures plus récentes, au trait ou piquetées suivant la nature de la roche, d'animaux et d'hommes associés à des chars. Les chars des Garamantes, ces ancêtres des touareg, qui régnaient sur le désert avant le christianisme, et avec qui commerçaient les romains, quand le Sahara était fertile. C'était il y a bien longtemps. 

Lescure nous initia à la pratique du chèche. Le chèche, c'est cette longue bande de tissu qui est entortillée autour de la tête pour se protéger du soleil. En fait, c'est un peu plus compliqué que cela. D'abord parce qu'un chèche, c'est aussi une coiffure sociale. Si un descendant d'esclaves a un tout petit chèche (mettons 2 mètres), les grands chefs ont le privilège de porter un chèche dont la longueur peut atteindre huit mètres. Il permet alors un drapé sophistiqué, conférant à celui qui le porte une allure de noblesse. 

L'utilité du chèche est multiple. Il protège du soleil, c'est évident, en ce qui concerne le rayonnement direct. Car contrairement à ce que nous faisons au moindre rayon de soleil dans nos pays tempérés, il ne faut surtout pas trop se découvrir dans un pays très chaud et sec comme le Sahara. Sans exagérer, des vêtements amples et légers (gandoura en cotonnade, sarouel – très à la mode en ce moment) protègent de la chaleur excessive et limitent les pertes hydriques (transpiration). Porter sa boisson est toujours un problème du fait que l'eau pèse, et qu'elle est indispensable. Pour l'économiser, mieux vaut donc éviter de la consommer. En résumé, celui qui est torse nu, en short et tongs avec sa bouteille d'eau à la main, c'est le touriste. Le local est de préférence bien habillé et à l'ombre du palmier. Il attendra le soir pour boire un thé à la menthe. On le taxera de paresseux, mais en terme de développement durable, c'est lui qui est dans le vrai.

Le chèche sert aussi à protéger les lèvres de la sécheresse ambiante. Il suffit de le remonter sur le nez. On peut ainsi se passer de baume à lèvres. En en recouvrant les yeux, comme il s'agit d'un coton aéré de couleur sombre, on invente les lunettes de soleil. En cas de vent de sable, enfin, il évite d'avoir la peau du visage passée au papier de verre et le yeux et la bouche pleins de sable.

 Voilà pour la partie « été ». En cas de fraîcheur, il joue le rôle de bonnet. Enfin, dans un pays où l'eau est parfois difficile d'accès, il permet de filtrer les plus grosses particules de ce que l'on va boire. Utile s'il s'agit d'un fond d'oued boueux. 

Autant dire que nous fûmes conquis par la polyvalence du chèche, et qu'au premier souk venu, je me ravitaillai en cotonnade noire ad hoc, que je conservai plusieurs années. 

Nous marchâmes beaucoup ces vacances là, Simoneau étant un grand coureur de désert. Chapeau, veste de treillis, pantalon, chaussures de marche, appareil photo et gourde dans un petit sac, il partait suivre les crêtes que l'on voyait non loin de nous, et pouvait rester absent des heures. Sa jeep était son point de repère, et il y eut quelques fois, nous dit il, où il s'était fait quelques frayeurs n'arrivant pas à retrouver le véhicule qui contenait sa provision d'eau qui commençait à lui manquer sérieusement. A l'époque, ni GPS ni téléphone portable. 

Il ne fallait compter que sur soi-même, et sur l'hospitalité de quelques nomades que l'on pouvait parfois rencontrer. On avait l'impression qu'ils étaient dénués de tout, et portant ils nous invitaient à venir partager un thé sous leur tente, dans la plus pure tradition de l'hospitalité nomade. 

Il nous est arrivé de rendre la pareille à quelques voyageurs qui arrivaient le soir près de notre campement : ils allaient à pieds au souk vendre un chameau ou acheter quelque chose, se trouvaient à 40 km de leur destination et n'avaient que très peu d'eau et pas de nourriture. Nous leur offrions de l'eau, de quoi manger : kesra, boîte de sardines et orange. Ils passaient la nuit derrière la dune d'à côté, et au matin repartaient en nous faisant un geste large d'amitié et de remerciement. Les relations, c'est aussi simple que cela dans le désert. 

Tout le sud du pays, entre Zagora et Foum el Oued Dra, est parcouru par le l'oued Dra. Ce fleuve vient de l'Atlas, descend vers Zagora et ensuite chemine en plein désert où il disparaît complètement. 

Paradoxalement, à son embouchure, il  un débit quasi permanent bien qu'irrégulier. Ce qui se produisait à l'époque, avant la construction du barrage sur le Dra au niveau de Ouarzazate, était une inondation périodique, qui faisait apparaître en certains endroits des nappes d'eau, comme le lac Iriki entre Foum Zguid et Zagora. 

Le lit du fleuve était marqué par quelques tamaris qui profitaient de l'humidité en sous-sol. Ce lit, entre Djebel Bani au Nord et Djebel Ouarkziz au Sud, marquait la frontière floue entre le Maroc et l'Algérie. Les relations entre Algérie et Maroc étaient assez tendues à l'époque, aussi nous évitions prudemment de trop nous approcher de cette zone frontière. 

Toujours à la recherche de gravures, nous nous aventurâmes dans le lit du Dra et eûmes la surprise d'y trouver des traces d'agriculture. Les gens du coin profitaient des crues pour semer et récolter seigle, orge, avoine, blé, variétés rustiques qui réussissaient à produire quelques céréales qu'il fallait se hâter de moissonner. Nous nous rendîmes compte ainsi que ces zones n'avaient de désertique que la végétation, car elles étaient très fréquentées à cette saison. 

Un habitant du coin eut la frayeur de sa vie, car à sa rencontre Lescure commença à lui parler en arabe très littéral, que comprenait moins bien son collègue plutôt accoutumé à l'arabe urbain dialectal. Pendant qu'ils discutaient, Papa, trouvant sa tête sympathique, entreprit de le filmer avec son énorme caméra semi professionnelle. Nous vîmes qu'il devenait fort inquiet, agité et mal à l'aise, et comprîmes qu'il confondait la caméra avec son gros téléobjectif avec une arme quelconque et se demandait s'il n'allait pas rejoindre le paradis d'Allah très vite. Le malentendu dissipé, il fut des plus aimables avec nous. La télévision n'arrivait pas encore là-bas à l'époque, et les sources d'information étaient forcément limitées. Mais la caméra ne ressemblait vraiment pas à une arme. 

De retour de ces vacances, c'était clair : la Land-Rover châssis long avait plutôt un comportement de camion : reprises lentes, lourdeur, côtes à gravir en seconde... La différence de poids en plus pour un même moteur se faisait sentir. Mais nous apprécierions à l'avenir son habitabilité record et la facilité à emporter un équipement volumineux dans des conditions de confort appréciables.

 Je vous souhaite une bonne nouvelle semaine avec, si possible, une nette amélioration du temps et un peu plus de soleil...Votre toujours MICHEL

 

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