Voila une bien triste nouvelle. N’ayant plus de mails en provenance de Marrakech et d’Akim, je l’ai contacté, lui demandant de me dire ce que son CHIBANI de Grand Père devenait et pourquoi il ne m’avait pas écrit ces derniers temps. Il y a donc quelques heures j’ai eu cette réponse :
Monsieur MICHEL… Pardonnez moi de ne pas vous avoir mis au courant, mais mon grand père, dont on ne sait pas vraiment l’age, s’est rapidement affaibli, des douleurs multiples le faisant souffrir. Son état de santé ne lui permettant plus de tenir sa place parmi les conteurs, jongleurs et autres acrobates de J’MAA el FNA, j’ai du le raccompagner dans le Moyen Atlas au village où habitent encore mes parents. Vous le savez, il est très attaché aux traditions et il a fermement refusé de voir un médecin en ville. C’est donc dans notre Douar qu’il est allé consulté le médecin traditionnel. Celui-ci malgré les potions et les poudres qu’il a préparé pour mon grand père, n’a pas pu faire grand-chose. Je crois que c’est l’air pur de son Atlas et la présence de sa famille et de ses amis qui lui ont redonné quelques forces.
Il ne reviendra certainement plus jamais sur SA place, enchanter les touristes (qui ne comprennent rien à ses contes) et dispenser des leçons de morale aux jeunes gens qui venaient l’écouter. Mais les enfants de notre village se réjouissent car il trouve encore la force de les captiver par quelques histoires courtes mais qui frappent leurs esprits.
Le douar est assez isolé et l’Internet n’y arrive pas encore, c’est pourquoi je ne vous ai pas écrit plus tôt.
Je vais y retourner pour l' AID el KEBIR et partager en famille nos différentes fêtes, qui cette année coïncident avec les vôtres. Actuellement, pour un court passage à MARRAKECH, je souris en voyant les grands complexes hôteliers orner les "hôtels à touristes" de décorations de Noël. Le temps est magnifique et je suis sûr que vous aimeriez voir briller les cimes enneigées de l’Atlas derrière les remparts rouges de la Médina au dessus desquels les plumets des dattiers viennent mettre une touche de vert ondulant. Je me souviens que vous aviez dit que c’était un de vos meilleurs souvenirs et mis une photo de ce genre dans un de vos anciens articles.
Pour ce qui est des contes du CHIBANI, je n’ose plus lui demander d’en inventer pour vous mais je me permets de vous rapporter une courte histoire qu’il a récemment raconté à un groupe de jeunes enfants qui se chamaillaient, chacun voulant imposer aux autres son idée quand à l’aménagement d’une vieille maison à rénover pour en faire un lieu de rencontre. En gros, voila ce qu’il leur a dit :
Dans un lac du moyen Atlas, se trouvait un énorme brochet. Celui-ci pour satisfaire sa faim se mettait en embuscade et croquait tous les petits poissons qui passaient devant son repaire…. Chaque alevin ou jeune poisson s’affolait à l’idée d’être mangé et de ne plus revoir ses frères et ses amis. Un jour où le brochet s’était éloigné de sa tanière, un poisson plus malin que les autres rassembla ses congénères et leur dit : « Au lieu de vivre chacun de notre coté, isolé les uns des autres et de servir de repas au monstre du lac, nous devrions nous rassembler pour former une masse plus grosse que lui. Il n’osera ainsi plus nous attaquer ».
Ce stratagème ne fonctionna pas vraiment car, affamé, le brochet fonça dans le troupeau de poissons et dévora ceux qui n’étaient pas vraiment dans la masse, les retardataires et ceux qui septiques n’adhéraient pas à cette idée.
Le plus malin rassembla de nouveau tous les siens et leur dit : « Nous allons former une masse plus compacte que la première fois, mais surtout qui aura l’air de ressembler à un énorme brochet. Ensuite nous irons très près de la surface pour nous montrer aux hommes »
Ce qui avait été dit fut fait. Cette fois ci tous adhérèrent au nouveau projet et c’est ressemblant à un énorme poisson qu’ils vinrent nager près du village où des pécheurs jetaient leurs lignes. Devant cet afflux de poissons, les gens du village trompés par la taille de ce qu’ils croyaient être un énorme poisson sortirent un filet à grosses mailles et le tendirent en travers d’un bras mort. Les petits poissons attirèrent ainsi le brochet à leur suite et en arrivant à la hauteur du filet ils s’éparpillèrent passant tous très facilement au travers des mailles. Le brochet lui s’empêtra dans le piège et fut capturé par les villageois.
Comme à son habitude le Chibani demanda aux enfants ce qu’ils retiraient de cette histoire. Au bout de quelques balbutiement, un de mes jeunes frères, dit : « C’est en se mettant tous ensemble qu’ils ont résolu leur problème ». Les autres enfants comprirent très vite qu’il valait mieux s’entendre que se diviser pour rénover cette vieille maison et c’est en riant qu’ils repartirent vers le travail qui les attendait.
Pour être franc, je dois dire que ce n’était pas la première fois que j’entendais mon grand père raconter cette histoire et que mon frère avait du se souvenir de la réponse à donner.
Voila Mr MICHEL, je pense que ce conte qui s’adresse plutôt à des enfants pourraient utilement être mis en application par tous les peuples de la Terre pour faire que notre avenir soit plus agréable à vivre. Je n’aurais qu’un regret, c’est que si vous venez prochainement en vacances dans votre ville natale, vous et vos amis vous n’aurez plus l’occasion de chercher parmi les conteurs de la Place lequel était le Chibani …..
Sans le savoir et certainement sans le connaître, le Chibani a parodié LA FONTAINE, mettant des animaux en situation pour faire la morale aux enfants. Sommes nous vraiment des adultes ou des enfants attardés ? C’est ce que je me demande quand j’entends aux JT de 13 ou de 20 heures que nous ne sommes pas capable, à l’échelle internationale, de nous entendre pour tirer le chariot dans le même sens et trouver des solutions rapides aux différents problèmes que posera la survie de notre environnement dans quelques décennies si les « fous » et les dictateurs qui encouragent les guerres et les exactions ne se font pas mettre au ban des sociétés.
Enfin, je me suis permis, et je recommence ici, de me faire votre porte parole pour demander à Akim de bien dire à son Chibani de grand père que nous penserons bien à lui et que nous lui souhaitons d’être heureux au milieu des siens dans son douar isolé. Qu’ Allah veille sur lui, il nous aura fait rêver avec ses contes de la Place D’JMAA EL FNA.
Pour ce soir je n’aurais rien à ajouter, mais je voulais rapidement vous tenir au courant de l’état de santé d’un vieil homme que nous avons peut être croisé un jour, sans le savoir, dans un fondouk de la médina ou errant dans la palmeraie de Marrakech. Que la paix vienne vous visiter et vous permettre de passer une bonne nuit. Votre toujours MICHEL